Pour Didier Raoult, c’est vraiment la fin

Elle ne prouvait rien. Elle était biaisée de bout en bout. Elle n’existe plus.

« Elle », c’est l’étude de Didier Raoult sur l’hydroxychloroquine (HCQ) publiée en mars 2020 dans la revue International Journal of antimicrobial Agents. La première celle qui a fait tant de bruit, suscité tant d’espoirs et provoqué tant de polémiques. L’éditeur vient en effet retirer cet article de son site. Une claque pour l’autoproclamé « plus grand chercheur au monde » qui signe la fin des controverses et confirme ce que la quasi-totalité des scientifiques expliquent depuis des années : l’hydroxychloroquine ça ne guérit pas les malades du Covid 19, ça ne marche pas et ça n’a jamais marché.

Le texte de l’éditeur Elsevier justifiant cette rétractation (à lire ici) administre une leçon à Didier Raoult et aux 17 autres auteurs. Il invoque tour à tour « une politique d’éthique » défaillante, une absence de « conduite appropriée de recherches impliquant des patients humains » ainsi que des « inquiétudes » concernant « la méthode et les conclusions » de l’étude. Façon polie de signifier que l’équipe de Didier Raoult était au mieux incompétente, mais plus vraisemblablement qu’on est dans le domaine du pur bidonnage, de la fraude avérée et volontaire.

De fait, Elsevier dresse une liste inquiétante, presque inimaginable de tous les manquements à l’intégrité scientifique. Jugez-en plutôt : l’essai mené par l’IHU de Marseille l’a été sans autorisation des pouvoirs publics. Et sans le consentement éclairé des patients. L’étude publiée ne précise pas si ces personnes ont été ou non hospitalisées avant leur inclusion dans l’essai. Elle ne respecte pas l’équilibre nécessaire entre patients de l’étude et patients témoins. Elle ne donne pas le même traitement aux premiers (HCQ + azithromycine) et aux seconds (HCQ seulement). Elle prétend que l’azithromycine serait un traitement standard, ce qui n’est pas conforme aux données de la science.

Enfin, et je pense que nous avons été nombreux à le découvrir en lisant le texte d’explications de l’éditeur, les résultats de l’étude sont faux. Pour une raison simple : les tests PCR pratiqués à Nice (pour les patients témoins) et ceux pratiqués à Marseille (pour les patients inclus dans l’étude) ne se font pas sur les mêmes machines et n’emploient pas la même méthode ! 

Or, c’est uniquement sur la base de ces tests que Didier Raoult affirme, dans son article publié en mars 2020, que « le traitement par HCQ est significativement associé à une réduction/disparition de la charge virale » (mesurée par la PCR).

Bref, rien de va dans cette étude. D’un bout à l’autre. Sur tous les plans. Réglementaire, éthique, méthodologique, scientifique. 

Les signaux d’alerte existaient pourtant. Moi-même, qui ne suis pas chercheur, je m’interrogerais dès sa parution sur le faible nombre de patients inclus dans cette étude : 26. Dans mon post, je relevais également que six d’entre eux avaient été exclus des résultats parce sorti de l’hôpital, envoyés en réanimation ou même décédé pour l’un d’entre eux et que six, cela faisait tout de même beaucoup.

Quelques jours plus tard, je publiais une « Lettre au professeur Raoult » dans laquelle je m’inquiétais de la surmédiatisation que ce dernier entretenait. Mal m’en a pris. J’ai eu droit à des dizaines d’insultes (« rat », « petit cerveau de vieillard aigri », « salopard » et j’en passe) et de propos violents (« Quand vous serez contaminé, je vous suggère de vous administrer un gros suppositoire sans vaseline » …).

Car Didier Raoult avait ses partisans. Acharnés, déchainés, enragés. Une véritable meute qui s’en prenait à quiconque osait critiquer « le Druide de Marseille ». A titre personnel, lui-même ne reculait d’ailleurs pas devant les menaces et le harcèlement quand un autre chercheur, forcément « plus nul », mettait en doute ses résultats. Tout comme il avait promis à Elsevier, par une lettre d’avocat, des poursuite judiciaires au cas où ce dernier s’aviserait un jour de retirer son étude.

L’éditeur est finalement passé outre. Entre temps Didier Raoult a été suspendu deux ans par l’Ordre des Médecins. Les associations de patients ont fustigé sa démarche. La communauté scientifique dans son ensemble a récusé ses travaux. Des enquêtes administratives ont été menées, avec des conclusions sévères. Plusieurs instructions sont en cours. Sans toutefois déboucher sur des procès – le temps judiciaire est parfois bien long … 

N’empêche : le « grand professeur » a perdu de sa superbe. Et de son pouvoir de nuisance. Mais quand même. Cinq ans ou presque pour que cet vraie/fausse étude soit enfin rétractée, c’est bien long aussi.