Raoult se prend une claque !

Le diagnostic est sévère : « Prescriptions systématiques sur ordonnances pré-remplies, en l’absence de toute preuve d’efficacité, hors de tout cadre éthique, au mépris des données scientifiques internationales. » La conclusion aussi : c’est tout simplement « le plus grand essai thérapeutique « sauvage » connu à ce jour ».

Qui sont les signataires de cette tribune adressée à Didier Raoult et publiée dans Le Monde ? Rien moins que les sociétés savantes regroupant l’ensemble de la médecine française : cancérologie, cardiologie, pneumologie, anesthésie-réanimation, pharmacologie, gériatrie, gastro-entérologie, néphrologie, médecine interne, physique et généraliste. 

De quoi parlent-ils ? D’un essai portant sur plus de 30 000 Français censé démontrer l’efficacité du « protocole Raoult » avec hydroxychloroquine (HCQ) et azithromycine. Un essai pas encore publié, mené par Raoult et 16 autres chercheurs de l’IHU de Marseille, et qui provoque la colère de la communauté médicale et scientifique.

Pourquoi cette colère ? Parce que cet essai est mal conçu, pas étayé, non éthique et qu’il a été conduit jusqu’en décembre 2021, c’est-à-dire bien après que la preuve eut été apportée que ce traitement ne marchait pas. Colère enfin, parce les malades ont été mis en danger et que Raoult ment quand il affirme que grâce à son protocole les patients meurent cinq fois moins. Cela dit, Raoult n’en est pas à un mensonge près – il suffit de se souvenir de son intervention devant les députés en juin 2020.

Les faits, eux, ne mentent pas. Et leur chronologie est implacable. Retour, donc, sur quelques dates qui ont conduit à un désastre sanitaire, médiatique et sociétal

(NB : pour ne pas alourdir ce post, j’ai intégré de nombreux liens qui permettront à ceux qui le souhaitent de s’informer davantage).

Mars 2020 : premier effet d’annonce de Raoult, (le Covid est « l’infection respiratoire la plus facile à traiter »), première publication, premières interrogations sur la validité de son protocle.

Avril 2020 : Raoult souhaite lancer une étude dite « interventionnelle » sur des patients Covid à l’IHU de Marseille. Pour cela, il doit au préalable obtenir l’accord du Comité de protection des personnes (CPP) chargé de s’assurer que l’essai respecte un certain nombre d’exigences éthiques. Refus du CPP du fait d’un manque de précisions fournies par Raoult. D’où la publication, un mois plus tard, d’une tribune dénonçant à la fois l’attitude la démarche de ce dernier.

Mai 2020 : les autorités sanitaires interdisent la prescription de l’HCQ hors AMM (autorisation de mise sur le marché), c’est-à-dire hors du cadre légal. Concrètement, il n’est donc plus possible d’en proposer sans passer par un essai clinique.

Juin 2020 : les remontées des centres de pharmacovigilance sont inquiétantes : déjà 105 signalement d’effets secondaires graves, dont 8 arrêts cardiaques et 4 décès.

Août 2020 : Raoult demande à l’Agence du Médicament (ANSM) une « autorisation temporaire d’utilisation » de l’HCQ. La réponse tombe en octobre 2020 : c’est non. Son avis, argumenté, est particulièrement sévère pour l’équipe de Raoult.

Octobre 2020 : le laboratoire Sanofi qui commercialise ce médicament écrit au ministre de la Santé pour lui signifier officiellement son refus de fournir à l’IHU les « quantités importantes » que ce dernier demande, et ce « afin de préserver l’intérêt des patients et de protéger le laboratoire ». Difficile d’être plus clair.

Novembre 2020 : l’équipe de Raoult passe outre et continue à donner de l’HCQ aux patients Covid en prétextant qu’elle mène une étude « observationnelle » et pas « interventionnelle ». Un argument qui, aujourd’hui encore, est réfuté par la communauté scientifique.

Avril 2021 : une étude publiée dans une revue internationale, menée en collaboration avec des statisticiens de Sanofi (!) démontre un surrisque de 11% chez les patients soumis au protocole Raoult.

Comment, dans ces conditions, justifier une telle obstination à prescrire de l’HCQ, comment expliquer un tel aveuglement face aux données de la science ? Comment, en plus, oser s’en vanter en mai 2023 ? Sauf à invoquer son « amour » pour la chloroquine, à laquelle son papa médecin en Afrique l’a biberonné toute son enfance, cela reste un mystère pour moi.

Une chose est sûre en tout cas : les prochains mois s’annoncent mal pour Didier Raoult. Sur la plan familial, sa fille l’a lâché publiquement – elle est même en procès contre son principal collaborateur. Sur le plan professionnel, il n’est plus en poste à l’IHU – mis à la retraite malgré lui. Sur le plan scientifique, il vient d’être interdit de publication par la Société américaine de microbiologie. Sur le plan judiciaire, l’ANSM a saisi le procureur de Marseille et deux enquêtes sont en cours. 

Oui mais … cela suffira-t-il à lui faire reconnaitre ses erreurs ? Certainement pas. Cela convaincra-t-il ses soutiens, complotistes antivax ou autres ? Évidemment pas. Cela permettra-t-il de réparer ce qui a été abimé (la confiance envers les experts, la rigueur scientifique, la médecine fondée sur les preuves …) ? Malheureusement pas. Les dégâts sont terribles. A la mesure des espoirs que Raoult a suscités. Quel gâchis.

Précisions importantes pour ceux qui découvrent ce post maintenant :

En à peine 24 heures, il frôle les 40 000 « impressions » sur Linkedin. Je m’en réjouis et je remercie tous les « j’aime » qui l’accompagnent

En revanche, au vu des réactions agressives qui se manifestent en commentaire, je précise que :

`Tout propos injurieux sera systématiquement signalé, et son auteur bloqué

Je ne réponds pas/plus à ceux qui défendent Raoult en invoquant la « corruption des big pharma »

Je ne réponds pas/plus à ceux qui prétendent qu’aucune étude n’a montré l’efficacité des vaccins

Je ne réponds pas/plus à eux qui attaquent les signataires de cette tribune