Covid 19 : pourquoi tant de haine ?

« Quand tu auras le Covid 19, tu seras le premier à pleurnicher pour qu’on te donne de la chloroquine » (Guillaume L) « Quand vous serez contaminé, je vous suggère de vous administrer un gros suppositoire placebo sans vaseline… Ainsi nous pourrons comparer avec le groupe ayant pris de la chloroquine » (David S)

Je me doutais que ma Lettre au Pr Raoult déclencherait des critiques. Je n’imaginais pas une telle violence. Pour tout dire, je la prends en pleine figure et il m’a fallu respirer un grand coup avant de commencer à écrire ce post. Moi qui me croyais blindé, je suis touché par cette intolérance, par ces attaques qui ne prennent même plus la peine de se cacher derrière des pseudos. J’en avais déjà eu un avant-goût samedi sur Linkedin, où un certain Patrick C , qui se présente comme « médecin intérimaire, géronto, psychiatre itinérant » (sic) me traitait de « rat, inutile au long cours, vieillard frustré, petits yeux, petits cerveau, trouble cognitif débutant » en concluant : « Vous n’êtes rien, si ce n’est un vieillard agri ou alors mourrez ! » Laissez-moi encore un peu de temps, Patrick : je n’ai que 57 ans.

Des réactions de ce genre, j’en ai reçu des dizaines et des dizaines. Au-delà de mon cas personnel, ces réactions impulsives disent bien des choses de l’état de notre société. Sur le plan individuel, elles révèlent une angoisse de mort insupportable. Et pour la soulager, tout ce qui peut rassurer devient vital – surtout face à un ennemi invisible comme le Covid 19 qui menace chacun d’entre nous, Or, que promet le Pr Raoult ? Une guérison quasi immédiate et systématique. Mettre en doute un tel espoir, c’est raviver le doute et cela, certains ne le supportent pas. D’où cette haine à mon encontre, une haine douloureuse à recevoir mais bien compréhensible.

Sur le plan collectif, ces réactions se traduisent par une montée irrésistible de l’irrationnel au détriment de la science et du savoir. C’est le retour au Moyen-Âge, avec tout ce que cela comporte de peurs et de recherche d’un bouc émissaire. Il faut à tout prix trouver « un » coupable. Au niveau national, c’est la mise en accusation systématique des pouvoirs public (« ils savaient tout, ils n’ont rien dit »). Au niveau international, c’est la mise à l’écart de « l’autre » : la communauté chinoise est stigmatisée en France – quand, en Chine, ce sont les Européens qui sont vus, aujourd’hui, comme les vecteurs de l’épidémie. Le tout, alimenté par des réseaux sociaux où les rumeurs qui se propagent aussi vite que le virus lui-même.

Je sais la brutalité de ces réseaux sociaux. Je ne découvre pas l’outrance que Twitter et Facebook favorisent en ne modérant rien ou si peu. Je n’ignore pas que sur Internet, les rumeurs, les fake news et les délires conspirationnistes font recette. Et je suis conscient que l’épidémie de Covid et les peurs qu’elle suscite génèrent une agressivité incontrôlée, incontrôlable. Je sais, aussi, qu’il ne suffit pas de s’appuyer sur des chiffres, sur des faits. Dès lors qu’elle ne valide pas les convictions de certains, ma parole est niée, délégitimée.

Tout est bon pour réfuter mes propos au lieu de contre-argumenter :  diffamation, attaques personnelles, insultes. J’ai une activité de conseil dans la santé ? « Vous êtes vendu aux labos ». Je suis un (ancien) journaliste ? « Comme tous les médias, vous êtes à la solde du gouvernement ». Je suis fils de médecin ? « Vous défendez vos parents ». Je questionne les affirmations du Pr Raoult ? « Vous êtes un salaud ».

Je ne renie pas un mot de ce que j’ai écrit, et je vais continuer à nourrir ce blog post après post. Parce que, je l’espère, il peut servir à quelque chose. Parce que, au-delà de mon blog, il est essentiel, surtout en ce moment, de faire de la pédagogie. Parce qu’il est possible, j’en suis convaincu, d’expliquer la complexité des choses. Parce que la bêtise et la laideur ne doivent pas gagner. Parce qu’il en va, osons le mot, de la démocratie dans notre pays.