Non à la réintégration des soignants non vaccinés

C’est la goutte d’eau qui met le feu aux poudres – ou l’étincelle qui fait déborder le vase, comme on voudra.

Ainsi donc, certaines voix se font entendre (médecins, épidémiologistes, syndicalistes …), de plus en plus insistantes, pour réclamer la réintégration du personnel soignant non vacciné contre le Covid 19. Chacun avance ses raisons, les uns en vertu de je ne sais « principe de réalité », les autres au nom de la liberté individuelle. Un argument entendu mille fois déjà, comme s’il suffisait de répéter un mensonge pour en faire une vérité.

Ces militants ont été, il est vrai, bien aidés par Emmanuel Macron. En campagne le 29 avril dernier, icelui-ci n’avait rien trouvé de mieux à dire que « Quand on ne sera plus en phase aiguë, on le fera ». Décidément, entre le soutien à Raoult et les erreurs initiales sur les masques, la crise du Covid n’aura pas permis au Président de donner le meilleur de lui-même…

Mais combien sont-ils aujourd’hui, ces soignants exclus du système pour avoir refusé la vaccination obligatoire ? En réalité, personne ne le sait. En octobre dernier, Olivier Véran parlait de « 0 ,6% » des 2,7 millions de professionnels de santé, soit 15 000 personnes environ. Quelques jours plus tard, il précisait devant le Sénat que les 2/3 d’entre eux seraient revenus au travail une fois vaccinés. Une chose est sûre en tout cas : ils ne sont pas très nombreux. Selon un décompte effectué par Le Monde dans son édition d’hier, il y en aurait 17 à l’AP-HM de Marseille et 46 au CHU de Toulouse. Pour, respectivement, un total de … 12 000 et 16 000 salariés concernés !

Quant au raisonnement des « pro réintégration », il tient en quelques lignes. Un : les variants se multipliant, le vaccin est de moins en moins efficace. Deux : l’immense majorité des soignants étant vaccinée, le risque de transmission est devenu plus faible. Trois : l’épidémie s’essoufflant, le port du masque est plus utile que le vaccin désormais.

Rappelons tout de même que, selon les derniers chiffres disponibles, on compte encore plus de 4 000 contaminations chaque jour et que près de 17 000 Français sont toujours hospitalisés à cause du Covid. La bataille n’est donc pas (encore) gagnée, loin de là.

Mais, surtout, ce n’est pas parce que le vaccin protège moins qu’il ne protège pas. Ce n’est pas parce que le risque est plus faible qu’il est nul. En d’autres termes, le simple principe de précaution (inscrit, pour ceux qui l’ignoreraient, dans la Constitution), le simple bon sens même voudraient qu’on fasse le maximum pour éviter des contaminations évitables.

Ou alors, poussons la logique jusqu’au bout : puisqu’il n’y a presque plus de rougeole en France, cessons de vacciner ; puisque, même en se lavant les mains, un chirurgien peut transmettre des germes à son patient, ce n’est pas la peine qu’il se les lave. (je reprends là une analogie vue dans un tweet publié par une amie, Aude Rossigneux).

Autre tweet, autre point de vue, celui de Gérard Kierzeck, le « médecin de la télé » qui, à force de dire tout et son contraire d’un jour à l’autre peut parfois proclamer « Je vous l’avais bien dit ». Je cite le tweet en question : « Leur réintégration relève d’une triple nécessité 1 médicale (le vaccin n’empêche pas la transmission) 2 confraternelle (par respect et dignité des collègues suspendus) » 3 ressources humaines (manque de soignants) ».

J’ai répondu plus haut au premier argument. Le 2ème mérite qu’on s’y arrête : c’est vrai quoi, Kierzeck a raison, les antivax sont dignes et respectables. Comme ils ont raison de porter plainte au pénal début mai à Besançon pour « traitement inhumain ». Ils mériteraient même de revenir « avec effet rétroactif des salaires non perçus » tant qu’on y est, ainsi que le réclame le syndicat SUD de Marseille ! En revanche, pour ce qui est du respect et de la dignité des soignants qui, eux, ont continué à s’occuper des malades en faisant le boulot des antivax à leur place, on y pensera quand on aura le temps…

Quant dernier argument, celui des ressources humaines, il pourrait faire sourire si la santé n’était pas une chose importante. Qui peut, honnêtement, soutenir que réintégrer les 17 récalcitrants à Marseille par exemple permettrait de résoudre le problème de manque de personnel ?

Soyons sérieux : politiquement, ce serait une faute de faire croire que les antivax vont sauver l’hôpital en y revenant. Éthiquement, ce serait une faute de réintégrer des soignants qui réfutent l’idée même d’une médecine fondée sur les preuves et non sur les croyances. Médicalement, ce serait une faute de faire courir un risque aux patients, fût-il faible, du fait d’un refus de la vaccination.

Alors, quand j’entends Patrick Pelloux, que l’on a connu plus clairvoyant, affirmer dans Le Parisien qu’« on ne peut se passer de 15 000 personnes suspendues, même si elles ont fait une erreur », j’ai envie de lui répondre que si l’erreur est humaine, la faute, elle, est inacceptable.