Où sont passées les autorités de santé ?

Tout ça pour ça ! Des organismes de recherche publics, des institutions indépendantes, une Agence du Médicament, un comité scientifique, puis un conseil scientifique installés par Emmanuel Macron … Tout ça pour ne même pas avoir de la part des autorités de santé un point de vue cohérent, officiel et surtout audible sur la chloroquine. Résultat : il n’y a qu’une personne dont on entend la voix, c’est celle du Pr Raoult. Le genre de « réussite » comme seule la France en est capable…

Premier exemple, emblématique et caricatural : l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Raison d’être officielle, inscrite noir sur blanc sur son site : « Autoriser, surveiller, contrôler », bref évaluer les médicaments. Bilan à ce jour, trois mois après le début de la polémique sur la chloroquine et l’hydroxychloroquine (HQC) promues par Didier Raoult ? Une quinzaine d’avis – sur les risques d’effets secondaires, sur les interactions médicamenteuses, sur les mésusages. L’ANSM a certes envoyé un questionnaire à l’équipe marseillaise pour lui demander quelques précisions, en particulier sur le cadre juridique des études menées par Didier Raoult. Mais elle s’est bien gardée de le relancer malgré des réponses pour le moins évasives. Et surtout, pas la moindre réaction de l’ANSM sur la seule question qui importe, à savoir : les travaux du PR Raoult sont-ils éthiques, recevables et concluants ? Cherchez l’erreur.

Deuxième exemple, le Comité scientifique investi début mars par Emmanuel Macron, avec à sa tête Jean-François Delfraissy, personnalité incontestable et reconnue pour ses compétences, son esprit d’équipe et sa droiture. Ce dernier a beau afficher ses réticences sur la validité du protocole Raoult, il est fermement « invité » à accompagner le Président durant sa visite à Marseille. Sur place, il n’a même pas droit à un siège et doit rester debout pendant que Raoult et Macron échangent sous le regard des photographes.  Pourquoi cette humiliation supplémentaire et inutile ? Je l’ignore mais dans ces conditions, difficile pour Jean-François Delfraissy d’exprimer par la suite la moindre réserve concernant l’ « un des meilleurs virologues au monde ». Cherchez l’erreur.

Troisième exemple, le Conseil scientifique installé un mois plus tard par Macron. Censé « remplir une fonction d’expertise scientifique rapide » et présidé par Françoise Barré-Sinoussi, virologue et Prix Nobel de médecine, il semble très bien placé pour donner une recommandation éclairée sur le caractère efficace et/ou reproductible – ou non – du protocole vanté par Raoult. Sauf qu’à ce jour, personne n’a eu l’idée de lui demander son avis sur le sujet, alors qu’il avait l’autorité nécessaire et la compétence scientifique pour le faire. Cherchez l’erreur.

Quatrième exemple : les deux structures publiques de recherche que sont l’Inserm et le CNRS. Deux institutions bénéficiant d’une reconnaissance internationale, deux organismes complémentaires et possédant tous les talents requis pour mener des travaux de qualité, que ce soit en recherche fondamentale ou en recherche appliquée. Mais plutôt que d’unir leurs forces et travailler main dans la main, l’Inserm et le CNRS ont préféré, comme cela a d’ailleurs souvent été le cas dans le passé, s’organiser chacun dans leur coin. Conséquence : pas un seul essai clinique conjoint, pas une seule étude publiée en commun. Cherchez l’erreur.

Manque général de coordination, absence de directives claires, prise de parole hésitante voire contradictoire : il aurait fallu pour éviter ce résultat atterrant une volonté politique forte. C’est peu dire qu’elle a manqué depuis le début de la « folie chloroquine ». Et les rares fois où elle s’est exprimée à travers la parole présidentielle, ce n’était pas pour condamner Didier Raoult – ou même simplement l’inciter à la prudence – c’était au contraire pour aller à sa rencontre et vanter « un grand scientifique ». Oui, décidément, cherchez l’erreur.