Grippe : les raisons de ma colère
Des urgences débordées. Des services de réanimation saturés. Des médecins surchargés. Des pharmaciens dépassés. Une centaine d’hôpitaux contraints de passer en « plan blanc ».
Tout cela, pour un virus identifié, qui revient chaque année à la même époque, en partie évitable par de simples gestes simples d’hygiène. Un virus qui a provoqué la mort de 611 personnes entre le 6 et le 12 janvier selon Santé Publique France. Responsable à lui seul de 7,3% du total des décès survenus cette semaine dans l’Hexagone. Un virus qui fait la Une des médias et qui provoque une véritable crise sanitaire alors qu’il existe des vaccins efficaces, largement accessibles, gratuits dans de nombreux cas et disponibles depuis … trois mois. Sur dix cas de grippe admis en réanimation en ce moment, huit ne sont même pas vaccinés.
Quel gâchis. Je suis dans une colère noire.
Je suis en colère contre les personnes âgées, premières victimes de la grippe : elles représentent les deux-tiers des hospitalisations pour ce motif après un passage aux urgences. Début 2024, seules 54% étaient vaccinées alors qu’elles fournissent le plus gros contingent des 8 000 à 9 000 morts par an dues chaque année à ce virus. Avec il est vrai des variations considérables selon les périodes. Aucune surmortalité liée à la grippe en en 2015/2016 mais 18 600 décès supplémentaires en 2014/2015 et 14 600 en 2016/2017 selon des statistiques officielles. Le « crû » de cet hiver est bien parti pour figurer dans les records.
Je suis en colère contre tous les autres Français identifiés comme des personnes à risques : diabétiques, insuffisants cardiaques, femmes enceintes, immunodéprimés, insuffisants respiratoires, obèses, résidents dans des établissements médico-sociaux et de soins de suite. Soit des millions et des millions de personnes dont moins de la moitié sont à ce jour vaccinées, encombrant ainsi inutilement les urgences et provoquant même des annulations d’interventions chirurgicales pourtant programmées depuis des semaines. On est loin des recommandations officielles de l’OMS, à 75% minimum.
Je suis en colère contre l’entourage de toutes ces personnes à risque qui au lieu de les encourager, de les avertir, débarquent dans leur domicile sans être vacciné. Sans se laver les mains, sans porter un masque. Un entourage qui, pire encore, les dissuade parfois d’accepter cette petite piqûre. Un exemple vécu parmi d’autres : ma mère de 90 ans a une amie qui en a 94 ; elles habitent dans la même résidence ; quand j’ai parlé vaccination avec elle elle m’a dit que son amie avait refusé de se faire vacciner parce que « sa fille le lui a déconseillé ». Si je rencontre un jour, je ne suis pas sûr de garder mon calme tant je suis en rage à l’idée que l’amie de ma mère puisse mourir de la grippe et/ou la transmettre aux autres résidents.
Je suis en colère contre tous ces antivax qui se répandent sur les réseaux sociaux depuis des années et qui se déchainent encore davantage depuis l’arrivée du Covid en 2019. Ces complotistes, ces nuisibles, ces amateurs de fake-news qui ont soutenu la thèse des « méchants laboratoires qui ont inventé une maladie pour nous inoculer la 5G » et autres dingueries. Les Français, qui faisaient déjà partie des peuples les plus réticents vis-à-vis de la vaccination en général, ont pour certains adhéré à ces délires, encouragés par quelques médecins indignes (je songe à Didier Raoult ou à Christian Perronne) et appuyés par quelques médias irresponsables (je songe à CNews).
Je suis en colère contre les pouvoirs publics. Faut-il se borner à constater comme le ministre de la Santé, Yannick Neuder sur BFM qu’ « au pays de Pasteur, cette réticence à la vaccination est étonnante » ? C’est un peu court, monsieur le ministre ! On aimerait (en tout cas moi) autre chose. Un peu plus de parole fortes, un peu moins de propos lénifiants. Autre chose que des campagnes de sensibilisation molles, invoquant une « démarche citoyenne », rappelant « les bénéfices d’une immunité collective ».
Qu’attend notre ministre de la Santé pour secouer nos concitoyens ? Leur expliquer que s’ils sont dans les populations à risques, ils peuvent en mourir. Vraiment. Et bêtement. Leur expliquer que s’ils sont en bonne santé, c’est tant mieux pour eux : en cas d’infection, ils pourront sans doute en réchapper. Mais leur expliquer aussi qu’ils sont dangereux pour leurs parents, leur famille, leurs proches âgés. Et que si ces derniers meurent de la grippe, ce sera peut-être de leur faute.
Je suis en colère, enfin, contre les soignants. Pas tous évidemment. Pas la (petite) minorité qui, par éthique, par sagesse, par esprit de responsabilité, s’est déjà fait vacciner. Non, je suis en colère contre les 80% de soignants qui, à l’AP-HP de Paris (38 hôpitaux, un million et demi de passages aux urgences, 8 millions de séjours, rien que ça !) ne l’avaient toujours pas fait au 15 janvier. Je suis en colère contre les 70% de médecins et les 90% de paramédicaux (infirmiers, aides-soignants …) qui, à Marseille, attendent encore je ne sais quoi, pour prendre rendez-vous. Je suis en colère contre l’ensemble du personnel des EHPAD qui s’occupent de personnes âgées, très âgées. Et qui, ce faisant ou plutôt ce ne faisant pas, leur font courir un risque mortel.
Que faire ? Les sensibiliser individuellement et collectivement ? Certains établissements s’y sont essayé et le plus souvent, cela donne de bons résultats comme je le racontais dans un post à lire ici.
Les contraindre ? Sur le papier, l’hypothèse est séduisante – après tout, cette obligation a bien été exigée pendant la crise du Covid et, dans les faits et malgré les cris d’orfraie de certains politiques et/ou syndicalistes (« mon corps m’appartient », « non aux vaccins qui tuent », « la liberté avant tout » et j’en passe), elle a fini par s’imposer à la quasi-totalité des soignants sans que l’organisation générale en soit impactée.
En pratique, il est malheureusement peu probable qu’une telle obligation puisse être appliquée. Tout simplement parce que, comme me le disait récemment un haut responsable d’administration publique, « on part de tellement loin qu’il faudrait des années et des années avant que ce pourcentage commence à tutoyer les 75% ». J’ajoute que, dans le climat de défiance actuel envers la science y compris chez les professionnels de santé, le risque est réel que certains d’entre eux quittent le navire ou que d’autres, plus nombreux encore peut-être, se fassent faire de faux certificats.
Alors que faire ? Attendre en courbant l’échine ? Menacer sans mettre en œuvre ? Déplorer sans agir ? J’avance ici une réponse qui mériterait d’être étudiée : poussons à l’extrême l’idée de responsabilité et mettons les soignants face à leurs engagements. Vous ne voulez pas vous vacciner ? Tant pis. C’est votre choix. Mais vous devrez en assumer les conséquences.
Supposons que l’un de vos patients/résidents/usagers de santé contracte le virus de la grippe après une prise en charge quelle que soit sa forme, et qu’il développe une forme grave voire qu’il en décède, sachez que vous pourrez être poursuivi pour suspicion de « mise en danger de la vie d’autrui ». Et ne répondez pas que c’est à la société d’apporter la preuve que c’est bien vous qui êtes à l’origine de l’infection. Car votre comportement, en soi et en connaissance de cause, constitue bien un risque pour une personne qui n’a rien demandé.
Voilà qui pourrait, qui devrait déjà en faire réfléchir quelques-uns. Voilà aussi qui pourrait, qui devrait interpeller tous les Français qui, par leur attitude irresponsable, mettent en danger leurs proches.
Qu’en pensez-vous M. Neuder ?
Joel Vigne
D’un côté, vous êtes très en colère contre ce qui ne cadre pas avec votre logique qui amalgame des éléments bien plus complexes que ce que vous décrivez, et de l’autre côté, vous n’êtes pas du tout en colère envers les politiciens qui saccagent notre système de santé. J’y vois la marque d’un esprit totalitaire et anti-démocratique, le même qui a tué et tue silencieusement plus de gens qu’il n’en a sauvé durant la dite crise Covid. Heureusement, le vent tourne, des États Unis à l’Europe et la liberté d’expression est de retour pour remettre les pendules à l’heure face aux mensonges éhontés de la propagande de Big Pharma qui n’a jamais existe pour sauver des vies mais pour faire de l’argent, mais vous le savez déjà. A quel prix ? N’oubliez pas que la démocratie est garante de la vérité, que la corruption engendre la mort et que la colère est très mauvaise conseillère.
VINCENT OLIVIER
Bonjour,
Je refuse entamer un « débat » avec quelqu’un qui considère aujourd’hui encore et contre toute évidence, que les fake news en tous genres (les vaccins tuent, la chloroquine est efficace contre le covid, Raoult est persécuté par les méchants labos etc.) sont plus fortes que les preuves scientifiques.
Bonne journée