Sexualité : tout, tout, tout vous saurez tout …

Plus de 30 000 personnes interrogées, 65 000 heures de travail pour décrypter les entretiens : la dernière enquête sur la sexualité des Français est une mine d’informations – d’autant que la précédente remonte à 2006 et celle d’avant à 1992. Trois études, sur une période de trente ans, et au final un panorama passionnant de l’évolution des mœurs et des pratiques. Florilège de quelques enseignements parfois étonnants.

L’âge du premier rapport : surprise !

Que depuis les années Soixante cet âge médian du 1er rapport (moitié au-dessus, moitié en dessous) ne cesse de baisser ne constitue pas un motif d’étonnement. Près de trois ans pour les femmes (20,1 ans contre 17,3 ans aujourd’hui), un peu moins pour les hommes (18,8 ans contre 17,3 ans). En revanche, rien de permettrait de prévoir que depuis 2019 cet âge remonterait, et même de façon sensible chez les jeunes femmes.

Pourquoi ? Sans doute faut-il y voir les conséquences de l’épidémie de Covid et, plus précisément, les deux périodes de confinement qui ont de fait limité considérablement les occasions de rencontre. Peut-être y a-t-il également des facteurs plus globaux tels que l’incertitude économique, les difficultés d’accès au logement ou encore l’angoisse climatique mentionnée par de nombreux sociologues. Cette remontée sera-t-elle durable ? Réponse dans quelques années.

Plus de partenaires

Là aussi, rien d’étonnant à ce que ce chiffre augmente au fil du temps, Plus intéressant : cette augmentation est constante chez les femmes (de 3,4 à 7,9 partenaires au cours de la vie entre 1992 et 2023), mais chez les hommes le chiffre est stable entre 1992 et 2006 (11,2 contre 11,9), avant de grimper brutalement en 2023 (16,4). 

Notons aussi que l’écart entre hommes et femmes, lui, demeure constant. Première explication possible : les hommes sont, de fait, moins monogames. Deuxième explication : hommes et femmes ne comptent pas pareil ! Les premiers retiennent toutes les relations quand le secondes ne mentionneraient que les « vraies » histoires. Prudents, les chercheurs n’excluent pas que ces deux pistes coexistent …

Quant au « multipartenariat » (concrètement, plusieurs partenaires au cours des 12 derniers mois), il explose littéralement chez les 18-29 ans : une femme sur dix en 1992 mais une sur quatre en 2023, un homme sur cinq en 1992 mais un sur trois en 2023.

Des pratiques plus nombreuses … mais moins souvent

Globalement, on fait plus de tout, et les femmes encore plus ! Pour elles, plus de masturbation (de 42% à 73% entre 1992 et 2023), plus de fellation (de 63% à 85%), plus de pénétration anale (de 23% à 39%). Quant aux hommes, l’augmentation la plus spectaculaire est cette dernière pratique (de 30% à 57%).

Plus de variété donc mais moins de régularité. Et de la même façon, globalement on le fait moins souvent quels que soient l’âge, le sexe et la période étudiée. Sur les douze derniers mois, on passe entre 1992 et 2023 de 84% à 80% d’activité chez les femmes et de 86% à 74% chez les hommes. Et chez les célibataires de 18 à 29 ans, la chute est impressionnante : en 2023, la moitié d’entre eux ont eu une relation sexuelle dans l’année écoulée contre deux femmes sur trois et trois hommes sur quatre en 1992 !

Même constat quand on interroge les Français sur le nombre de rapports dans les quatre dernières semaines : entre 1992 et 2023, il baisse de 8 à 6 chez les femmes, de 9 à 6 chez les hommes. Pour une fois, les réponses sont donc les mêmes pour les hommes comme pour les femmes et, tout aussi notable, cette baisse s’observe dans d’autres pays occidentaux, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Etats-Unis notamment.

« Alors, heureuse ? »….

Si les réponses sur les thématiques précédentes évoluent au fil des ans, le taux de satisfaction affichée demeure, lui, remarquablement stable. C’en est même frappant, chez les femmes en tout cas : on est entre 48% et 52% de réponses positives qu’elles aient 18 ou 50 ans, que ce soit en 1992 ou en 2023. C’est après que ça se gâte …  43% seulement de satisfaction chez les 50-59 ans, et à peine 33% à partir de 6 ans.

Chez les hommes, le phénomène marquant c’est une baisse brutale de la satisfaction, tous âges confondus, en 2006 par rapport à 1992 et à 2023. Comme si quelque chose s’était cassé au milieu des années 2000 avant de se rééquilibrer aujourd’hui. Ainsi, les 40/49 ans par exemple, étaient 50% à se dire « très satisfaits » de leur vie sexuelle en 1992, et près de 43% en 2023 mais quinze ans plus tôt ils n’étaient que 32%. 

Quant à l’éventualité d’avoir « souvent ou parfois » un rapport juste « pour faire plaisir » à son partenaire, il reste une réalité pour près d’une femme sur deux aujourd’hui encore et pour … un homme sur quatre en 2023. Comme en 1992.

Enfin, il serait injuste d’oublier les 20% de femmes qui n’ont pas eu de rapport sexuel dans les douze derniers mois et qui s’en portent très bien : les trois-quarts d’entre elles s’en disent satisfaites et même … 90% de celles qui ont entre 18 et 29 ans.

Des violences subies

Est-ce l’effet « Metoo » ? Pour une part sans doute mais pas seulement. En 2023, près de 30% des femmes en 2023 déclarent avoir déjà subi un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé au cours de leur vie. Mais en 2006, ce taux était d’une femme sur six, ce qui est déjà beaucoup.

Reste que cette hausse est particulièrement marquée chez les jeunes femmes de 18 à 29 ans, où l’on passe de 16,5% à 37% – dont, précision importante, 15 ,6% de violences sexuelles subies alors qu’elles étaient encore mineures.

Mais le chiffre qui m’a plus surpris encore concerne les jeunes hommes : 4,7% victimes de violences sexuelles en 2006, mais 12,4% quinze ans plus tard, soit trois fois plus. 

Quid de l’homosexualité ?

Certes, très peu de personnes de 18 à 89 ans se déclarent homosexuelles : 1,3% des femmes et 2,3% des hommes en 2023. Mais elles sont beaucoup plus nombreuses à avoir eu au moins une relation sexuelle avec un partenaire du même sexe (respectivement 8,4% et 7,5%), et plus nombreuses encore à avoir déjà été « attirées » au cours de leur vie (13% et 7,6%).

On constate également une différence très nette entre la génération des 18/29 ans et les autres. Chez celle-ci, 15% des femmes et près de 10% des hommes ont eu au moins une relation sexuelle avec un partenaire du même sexe. Et si l’on recoupe attirance, pratique et identification, dans cette tranche d’âge 37% des femmes et 18% des hommes ne peuvent pas être rangés dans la catégorie « strictement hétérosexuelle ». Voilà qui risque de faire frémir les ultra religieux de tous bords pour qui la sexualité se résume à des rapports entre un homme et une femme, de préférence dans le but de faire un enfant …

Vrai ou faux ?

C’est l’éternelle question : quand on les interroge sur leur sexualité, les Français disent-ils ou non la vérité ? Les auteurs de cette étude mettent en avant à la fois la formation spécifique reçue par les enquêteurs, les garanties d’anonymat et d’éventuelles vérifications sur la cohérence des réponses par téléphone et par Internet.

Reste à savoir si et surtout combien d’entre eux donnent comme réponse non pas « ce qui est » mais ce qu’ils pensent être « la bonne réponse », celle qui serait dans la moyenne, dans le « comme il faut, comme font les autres ». Mais cela, aucun chercheur ne pourra jamais y répondre …

« Contexte des sexualités en France, premiers résultats de l’enquête Inserm-CNRS-MIE