Avons-nous un Président alcoolique ?

Le tabac, c’est mal. C’est pour cette raison que le gouvernement a décidé d’augmenter le prix du paquet de cigarettes et d’interdire de fumer dans les parcs et sur les plages.

La drogue, c’est mal. Très mal. D’ailleurs, « quand on consomme du cannabis, on est un peu responsable des règlements de compte » dans les cités affirme Gérald Darmanin, dans un raccourci de pensée pour le moins saisissant.

L’alcool, en revanche, c’est bien. En tout cas, ce n’est pas si grave que ça. La preuve : le gouvernement a mis à la poubelle une campagne de prévention prévue pendant la coupe du monde de rugby dont le slogan était « Ne laissez pas l’alcool vous mettre KO ». Et il ne soutiendra pas non plus le Dry January », ou mois sans alcool, malgré les demandes pressantes des addictologues qui, dans une lettre signée par 53 spécialistes et révélée aujourd’hui dans Le Parisien, s’indignent du manque de soutien des pouvoirs publics.

Il faut dire que le soutien aux alcooliers, et en particulier au secteur viticole, vient du sommet de l’État. Et il remonte à loin. En 2015 déjà, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, propose au Parlement un assouplissement de la loi Evin au grand dam d’Agnès Buzyn alors Présidente de l’Inca (Institut national contre le cancer), qui dénonce « un grave échec pour la santé publique et une victoire des lobbies ».

Trois ans plus tard, les postes changent mais le combat demeure puisqu’en 2018, Agnès Buzyn, devenue entre-temps ministre de la Santé, croit bon de rappeler une évidence dans une interview sur France 2. A savoir qu’« en termes de santé publique, le vin c’est exactement la même chose que la vodka ou le whisky. Le vin est un alcool comme les autres. » Que n’a-t-elle osé dire ? Tout le monde lui tombe dessus. Y compris des membres du gouvernement comme Christophe Castaner qui n’hésite pas à lui faire la leçon : « Il y a de l’alcool dans le vin mais c’est un alcool qui n’est pas fort {…} Le vin fait partie de notre culture, de notre tradition, de notre identité nationale. Le vin n’est pas notre ennemi. »

Je me permets de répondre à celui qui était à l’époque ministre de l’Intérieur (décidément …) que ce n’est pas le degré d’alcool qui importe, mais la quantité ingérée. Que l’alcool provoque chaque année plus de 40 000 morts, qu’il est la deuxième cause de mortalité précoce évitable et qu’en 2015, son coût pour la société s’élevait, selon un rapport de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), à 120 milliards d’euros par an.

J’ajouterais, à l’adresse de l’actuel ministre de l’Intérieur, qu’à ma connaissance la consommation de cannabis provoque moins de violences intraconjugales, moins de bagarres dans les fêtes, les concerts ou les événements sportifs. Bref, qu’il entraine moins de drames humains que l’alcool.

Quant au Dry January, il n’est pas l’expression d’une « tocade anglo-saxonne puritaine », comme le prétendaient quelque people tels Pierre Arditi ou Cyril Lignac dans une tribune parue en 2020. Contrairement aux affirmation du lobby des alcooliers, le « janvier sobre », pour parler français, ne prône pas l’abstinence, il est en effet simplement l’occasion pour chacun de s’interroger sur sa propre consommation. 

Une question que le Président de la République pourrait légitimement se poser, lui qui déclare en 2018, contre toute évidence, que « Il y a un fléau de santé publique quand la jeunesse se saoule à vitesse accélérée avec des alcools forts ou de la bière, mais ce n’est pas avec le vin ». 

Il y a plus grave encore. Cette même année, Emmanuel Macron croit bon d’affirmer publiquement qu’il boit du vin « midi et soir ». Interrogez n’importe quel spécialiste en addictologie, il confirmera que quelqu’un qui consomme de l’alcool deux fois par jour, tous les jours, c’est une personne alcoolique. Est-ce le cas de notre Président ?

Je préfère penser qu’Emmanuel Macron a fait ce jour-là une de ses sorties provocatrices dont il est coutumier. Mais cette sortie interroge : quel message envoie-t-il alors aux Français, et aux jeunes en particulier ? Une autorisation déguisée ? Un encouragement implicite. ? En tout cas sûrement pas un message de santé publique.