Vaccins : les Français retrouvent confiance

C’est une très bonne nouvelle et personnellement je la trouve aussi réjouissante qu’inattendue : les Français ont repris confiance dans les vaccins. C’est l’Observatoire sociétal du médicament qui le dit, et que cet Observatoire soit une émanation du Leem (c’est-à-dire l’industrie pharmaceutique)  ne change rien au caractère incontestable de ces résultats.

Chaque année depuis huit ans, l’Institut Ipsos sonde 1000 Français sur leur rapport aux médicaments en général et aux vaccins en particulier. Et quelles que que soient les réponses, le Leem les rend publiques– même si, comme pour les dernières éditions, elles ne sont pas bonnes… En l’occurrence, le crû 2018 fait plutôt office de divine surprise. Premier élément, le niveau de confiance des Français vis-à-vis des vaccins demeure remarquablement stable au fil du temps : 71% aujourd’hui contre 72% en 2012. Il a même monté de deux points entre 2016 et 2018 (la question n’avait pas été posée l’année dernière).

Mais c’est sur la question du rapport bénéfices/risques que je voudrais m’arrêter. En 2016, une majorité de Français (52%) estimaient que les vaccins comportaient plus de bénéfices que de risques. Patatras ! L’année suivante, ils n’étaient plus que 44%, soit une chute brutale de 8 points. La faute, sans doute, à l’extension du nombre de vaccins obligatoires décidée par Agnès Buzyn,

Et voilà que cette année les huit points perdus sont repris et que la confiance revient à 52%. Certes, une partie des 18-24 ans restent encore méfiants (24%). Pour autant les confiants remontent de 5 points (45%), comme d’ailleurs dans toutes les tranches d’âge : + 7 points chez les 35-44 ans, + 6 points chez les 45-59 ans, + 3 points chez les 60 ans et plus.

Mais c’est dans la tranche d’âge des 25 -34 ans que les résultats sont les plus spectaculaires : + 18 points entre 2017 et 2018 ! Or ce sont eux, statistiquement, qui font le plus d’enfants. Ce sont donc eux aussi qui décident ou pas de les vacciner. Autant dire que cette remontée impressionnante devrait, en tout cas je l’espère, se traduire positivement en termes de santé publique.

Reste qu’une telle évolution interpelle. Comment l’interpréter ? Je n’ai pas d’explication toute faite et comme souvent, la réponse est complexe. Il y a d’abord tout le travail de pédagogie effectué par les pouvoirs publics, notamment les vidéos didactiques et fort bien faites postées sur le site du ministère de la Santé. Il y a ensuite le fait qu’Agnès Buzyn est médecin et lorsqu’elle s’alarme de la recrudescence des cas de rougeole en France, sa parole de professionnelle porte dans le grand public. Il y a enfin la réaction des médias, qui dans leur immense majorité ont relayé cette parole, interrogé des experts, repris les témoignages de parents. Bref, des médias qui ont fait leur boulot de sensibilisation.

Mais ces efforts conjugués sont malheureusement insuffisants. La France reste l’un des pays au monde où la défiance vis-à-vis des vaccins est la plus forte (28% en 2012, 29% en 2018). Le discours des anti-vaccins, alarmiste et paranoïaque, continue de se répandre dans une partie de la population ; les complotistes en tous genres continuent leur travail de sape sur Internet ; quant aux délires de certains médecins comme le Pr Joyeux, ils continuent à bénéficier du silence assourdissant du Conseil de l’Ordre.

Conséquence : l’industrie pharmaceutique continue de se dégrader et « dans un climat d’érosion générale de tous les secteurs d’activités, c’est elle qui est la plus impactée » note Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos. Car si une large majorité de Français (85%) considèrent les labos comme « utiles »,  ils ne sont que 57% à les trouver « respectueux de leurs salariés » et 51% à les trouver « crédibles ».

De fait, il est vrai que les labos ont pâti ces dernières années de scandales à répétition, du Mediator de Servier à la Dépakine de Sanofi en passant par le Levothyrox de Merck – sans même parler des ruptures d’approvisionnement régulières et de plus en plus nombreuses de médicaments essentiels. Rien d’étonnant dès lors à ce qu’à peine un Français sur trois accole le qualificatif d’ « éthique » à l’industrie pharmaceutique. Quant à la « transparence », c’est encore pire : seuls 16% d’entre eux répondent oui.

Autant dire que Philippe Tcheng, le nouveau patron du Leem, a du pain sur la planche pour redorer l’image des labos. Dans ces conditions, proclamer comme il le fait que « nous devons continuer de placer l’éthique et la transparence au cœur de notre activité car ce sont les valeurs prioritaires de mon mandat » tient plus du vœu pieux que de l’engagement formel et risque de s’avérer insuffisant pour renverser une situation bien compromise…