Pourquoi la vaccination doit être obligatoire (malheureusement)
L’annonce cette semaine par la ministre de la Santé Agnès Buzyn de l’extension de la vaccination obligatoire pour les enfants a provoqué la colère de nombreux « anti » qui réclament le droit à l’exemption – et, donc, la possibilité de s’en affranchir au nom de convictions personnelles. Au nom du droit fondamental de disposer de son corps, du principe de précaution, du consentement libre et éclairé, j’en passe et des meilleures.
Je souhaite m’arrêter quelques instants sur cette notion de liberté : bien sûr, dans un monde idéal, la liberté prime sur tout le reste.
Sauf que… dans ce monde idéal où liberté rimerait avec responsabilité, les gens feraient preuve de bon sens : ils se souviendraient qu’en France jusque dans les années 50, la diphtérie tuait 3000 personnes par an, le tétanos 1000 personnes, la poliomyélite 200 enfants. Ils seraient rationnels : après avoir parlé avec un médecin, ils comprendraient que le risque de complication après une vaccination (1 cas sur 1 million environ) est plus faible que celui d’attraper la rougeole (24 000 cas en France depuis 2008).
Dans ce monde idéal les patients, aussi, seraient rationnels. Ils prendraient leurs traitements au bon moment, à la bonne dose, et pendant la bonne durée. Diabétiques, ils feraient de l’exercice pour éviter l’amputation. Atteints de cholestérol, ils modifieraient leurs habitudes alimentaires au lieu d’avaler des gélules. Hypertendus, ils limiteraient le tabac, l’alcool, le sel.
Dans ce monde idéal, les médecins feraient de la pédagogie. Ils utiliseraient des mots simples pour être compris. Ils prendraient le temps d’expliquer pourquoi, dans certains cas, il n’est pas nécessaire de faire des ordonnances de médicaments. Ils pratiqueraient leurs tarifs avec « tact et mesure » comme le veut le serment d’Hippocrate.
Dans ce monde idéal, les labos pharmaceutiques offriraient leurs vaccins gratuitement, au nom de l’intérêt public. Ils ne pousseraient pas à la consommation, n’inventeraient pas de nouvelles maladies, ils réserveraient leurs efforts de recherche aux pathologies les fréquentes, pas les plus rentables.
Dans ce monde idéal, les pouvoirs publics n’autoriseraient que des traitements réellement innovants. Ils encourageraient la prévention car, à terme, c’est elle qui permet au mieux de réduire les coûts pour la société. Ils donneraient plus de moyens aux structures de contrôle et d’évaluation. Et lanceraient sans hésitation des études poussées sur les éventuels effets secondaires des vaccinations.
Plus généralement, dans ce monde idéal, à travail égal, la différence de salaire entre hommes et femmes ne serait pas de 25%. Les chances de trouver un emploi seraient les mêmes qu’on s’appelle Arnaud ou Mohamed, qu’on habite Paris ou La Courneuve. Quant à la parité à l’Assemblée Nationale ou ailleurs, elle serait respectée car de l’ordre de l’évidence.
Oui mais… nous ne sommes pas dans un monde idéal. Voilà pourquoi la loi doit, parfois, pallier les injustices faites à certains et l’absence de responsabilité revendiquée par d’autres. Y compris en imposant la discrimination positive (quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises , d’étudiants de banlieue à Sciences Po etc.) avec les dérives qu’elle peut entrainer. Y compris en rendant la vaccination des enfants obligatoire, avec les risques de désobéissance qu’elle peut provoquer.