Burn out : 40% des professionnels de santé « en danger »
Inquiétant. Affolant même. Voilà le mot qui m’est venu à l’esprit en entendant le Dr Max-André Doppia présenter les résultats de son étude sur le niveau d’épuisement des médecins et des cadres de santé en France. C’était il y a quelques jours, à l’occasion du 70ème anniversaire du SMPS (syndicat des managers publics de santé), congrès que j’ai eu le plaisir d’animer et durant lequel tous ces dirigeants à haut niveau de responsabilité (directeurs d’hôpitaux et d’EHPAD, cadres soignants, administratifs, ingénieurs etc.) ont exprimé leurs appréhensions face aux questions laissées en suspens par l’ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine – et elles sont nombreuses…
Mais revenons à l’étude en question : sensibilisé à la problématique des risques psycho-sociaux du monde médical, le Dr Doppia a eu l’idée originale de mettre sur le site internet des anesthésistes divers questionnaires auto-administrés pour que les professionnels puissent, eux-mêmes, évaluer avec précision leur niveau de stress. Parmi ces tests, celui dit de Maslach permet de se situer en fonction de trois critères : épuisement professionnel, dépersonnalisation, accomplissement personnel. Concrètement, le 1er renvoie à la sensation de fatigue intense, le 2ème à la qualité des rapports humains (« Je suis devenu plus insensible aux gens depuis que j’ai ce travail » par exemple), le 3ème à la fameuse question « du sens » que l’on trouve à son travail – question qui, on le sait, se pose avec une acuité toute particulière à l’hôpital.
Une fois les questionnaires remplis, le résultat se présente sous la forme d’une échelle qui va de « Correct » à « Attention », puis à « Dangereux ». Or, pour le 1er critère (échelle 0/18, 18/30, supérieur à 30), la moyenne des répondants se situe à… 27. Soit juste en dessous du seuil « dangereux », sachant que 40% d’entre eux sont à plus de 30. De même, pour le 2ème critère (échelle 0/6, 6/12, supérieur à 12), la moyenne est à 11,05 et 40% sont à 12 ou plus. Enfin, pour ce qui est de l’accomplissement personnel, 62% sont au niveau « Dangereux » et seuls 2% d’entre eux ont un niveau « Correct » !
Autant dire que toutes les conditions sont réunies pour que ces professionnels soient à haut risque de faire un burn out ou, au mieux, qu’ils ne se sentent pas satisfaits de leur situation et que les patients en subissent les conséquences. Car, de fait, un médecin épuisé est un médecin qui travaille moins bien – et ce, quelle que soit sa bonne volonté par ailleurs.
Ainsi, une étude américaine réalisée en 2010 auprès de chirurgiens a montré une relation quasi linéaire entre épuisement émotionnel et nombre d’erreurs commises : à faible niveau d’épuisement, celles-ci sont inférieures à 5% ; elles montent à 9,5% en cas d’épuisement « moyen », et à 14,7% en épuisement important, et même 17,1% en cas de dépersonnalisation importante.
Or, les médecins sont paradoxalement une des professions les « moins bien soignées » remarquait Le Dr Doppia lors du congrès du SMPS en donnant quelques exemples précis – et manifestement inspirés de la réalité. En cas de pathologie bénigne (fièvre ou autres), ou même de signes inquiétants (douleurs persistantes, tachycardie etc.), la tentation est grande en effet de demander à un collègue spécialiste qui une IRM, qui une épreuve d’effort, qui des analyses biologiques. Mais toujours entre deux portes, sans véritable consultation ni interrogatoire poussé.
D’où cette autre initiative qu’il convient de saluer : inciter les médecins à … prendre un médecin ! Cette campagne, intitulée « Dis doc, t’as ton doc » est destinée aux 80% de praticiens qui n’ont justement pas de médecin traitant personnel et qui préfèrent naviguer entre auto-diagnostic et vrai/faux conseil donné entre confrères. Puisse cette campagne faire baisser ce pourcentage dans des proportions fortes. Les médecins, et par voie de conséquence leur patients, ne s’en porteront que mieux.