Le « vrai » coût de la santé en France

De tous les pays développés la France est, parait-il, celui où le RAC (« reste à charge ») est le moins élevé – le RAC, c’est la part des dépenses que l’assuré doit payer de sa poche après remboursement par l’Assurance Maladie et prise en charge par les complémentaires.

A regarder les comparaisons internationales, le résultat est sans appel. La Corée est le pays où le RAC est le plus important (37% du total des dépenses de santé), devant l’Italie (23%), l’Australie (20%) la Suède (15%) ou l’Allemagne (13%). Seule la France est en-dessous de 10% : 7% exactement. Champion du monde !

Officiellement, le RAC y est en moyenne de 274 euros par personne et par an. Il comprend les dépassements d’honoraires, les franchises médicales, les dépenses de lunettes et de prothèses auditives etc. Bref, ce qui est visible et connu des autorités. 

Mais il y a le reste. Tout le reste qui n’est pas remboursé, même partiellement, et qui pourtant est indispensable. La liste est longue. Il y a les équipements médicaux (pansements, fauteuils roulants, lits médicalisés …), les frais d’adaptation (douches, rampes d’accès, équipement ergonomique …), les frais d’accompagnement humain (garde d’enfants, aide-ménagères, auxiliaires de vie …), les frais dits «  de confort » (crèmes, prothèses capillaires, compléments alimentaires …), les frais de transport (véhicule personnel, ambulances non remboursées …), les frais administratifs (courriers recommandés, honoraires d’avocat …), les consultations non remboursées (psychologues, diététiciens, acupuncteurs …).

Pour évaluer ces restes à charge invisibles mais bien réels, l’association France Assos Santé qui représente la voix des usagers à travers 72 associations fondatrices (Ligue contre le cancer, Fédération des diabétiques, France Handicap, UFC, UNAF etc.) a mené son enquête et interrogé ses adhérents. 

Plus de 3 000 personnes ont ainsi répondu, certaines concernées par le handicap et la perte d’autonomie, d’autres par des pathologies chroniques (70% en Affection de longue durée, ALD). Leur profil ? Un gros tiers d’actifs, un petit tiers de retraités, un quart d’inactifs « à cause de leur état de santé ». Des cadres (40%) et des ouvriers ou employés (33%) pour l’essentiel. Revenus médians après impôts entre 1500 et 2 000 euros nets. Age moyen, 54 ans. Population féminine, 71% 

Leur état de santé ? Pas très bon on s’en doute. Parmi les exemples cités, on trouve de l’hypertension artérielle (16,5%), du diabète (12,5%), des maladies psychiques (12,3%), du handicap moteur (12,3%), des cancers (11,3%) et bien d’autres organes comme le rein, le foie, les poumons.

La cause principale reste toutefois les douleurs chroniques, mentionnées par 30% des personnes interrogés. Mais il faut y regarder de plus près : seules 25% d’entre elles déclarent souffrir « uniquement » de douleurs chroniques. Les autres, les trois-quarts mentionnent d’autres problèmes de santé, au premier rang desquels l’endométriose dans 35% des cas. Preuve, s’il en était besoin, que l’endométriose est un véritable enjeu de santé national qui devrait retenir encore davantage l’attention des pouvoirs publics.

Venons-en maintenant à la réponse à cette question qui n’avait jusque-là jamais été étudiée : à combien se montent ces restes à charge invisibles ?

Réponse : plus de 1 500 euros par an et par personne. Plus précisément, 1 557 euros qui, en outre, ne prennent pas en compte les médicaments non remboursés, qu’ils soient prescrits ou pas prescrits, soit 150 euros dans le premier cas,150 autres euros dans le second, 300 euros supplémentaires par an et par personne. Cette somme de 1 557 euros est donc une estimation a minima. 

Chez certains, la facture s’alourdit davantage. Pour les malades en ALD, pris en charge en principe à 100%, elle monte à 1 623 euros. Pour les personnes atteintes de handicap moteur, elle grimpe à 2 500 euros. Quant aux 10% les plus concernés, il leur faut payer de leur poche, chaque année, plus de 8 200 euros.

Comment, dès lors, s’étonner que plus de la moitié de ces 3 000 Français aient été contraints de renoncer malgré eux à des dépenses nécessaires ? Ces frais sont de tous ordres : médicaments, soins non remboursés, produits alimentaires, suivi psychologique etc. Avec, comme toujours, des disparités en fonction des revenus : un gros quart « seulement » de renoncements chez ceux qui gagnent plus de 3 000 euros mensuels, mais plus de deux-tiers pour ceux qui sont en-dessous de 1 250 euros nets.

Plus de 1 500 euros en moyenne par an et par personne, plus de 8 200 euros pour 10% d’entre elles … On est loin des 274 euros de reste à charge visible et officiel. Décidément, la formule « la santé n’a pas de prix mais elle a un coût » n’a jamais été aussi juste.