Un enfant en plus, une carrière en moins !

On s’en doutait un peu mais les chiffres révélés dans un récent sondage (1) sont sans appel : pour un Français sur 4, le fait d’être parent a constitué un frein dans la vie professionnelle.  Et chez les professionnels de santé, c’est même un sur 3 ! 

Autant dire que le « réarmement démographique » promis par Emmanuel Macron n’est pas pour demain. Difficile de concilier parentalité et vie professionnelle. Il faut parfois choisir, délaisser l’une ou sacrifier l’autre. C’est vrai pour tous les parents. Encore plus vrai pour les soignants. Et davantage encore pour les soignantes. Femme, mère, médecin ou infirmière, c’est la triple peine. Et elle est lourde. Démonstration.

Pour tous les parents

14% des Français ont reporté ou annulé un projet d’enfant en raison de l’impact potentiel sur leur carrière professionnelle.

Du fait de ce projet, 41% ont déjà songé à changer de métier ou à quitter leur emploi

Seuls 35% des parents sont parvenus à concilier pleinement vie professionnelle et vie familiale

28% des parents ont dû modifier leurs horaires de travail, avec dans un cas sur 3 un changement d’employeur ou de service

Pour les soignants

Avec entre parenthèses les chiffres de la population générale 

23% ont reporté ou annulé un projet d’enfant (14%)

Seuls 12% concilient pleinement vie pro et vie perso (35%)

38% ont dû changer d’horaires (28%)

Pour 35% des soignants, le fait d’avoir un enfant a freiné leur vie professionnelle (24%)

Pour les soignantes

Commençons par un constat amusant – ou désespérant selon le point de vue. Lorsqu’on interroge les Français sur la répartition des charges familiales, 61% des femmes disent qu’elles en font « 3 à 4 fois plus ». Pour la majorité des hommes en revanche, la charge serait « équitable ». Cherchez l’erreur.

Car dans les faits, lorsqu’un enfant tombe malade, à votre avis qui prend un jour de congé pour s’en occuper ? Madame ou Monsieur ? Réponse : madame dans 6 cas sur dix, monsieur une fois sur dix.

Je cite cet exemple car c’est la garde d’enfant au quotidien qui constitue le problème numéro Un pour les parents. Or, au moment de reprendre une vie professionnelle plus de 60% des soignants rencontrent des difficultés et ce quelle que soit la solution envisagée – assistante maternelle, garde à domicile crèche ou autres (famille, proches)

Conséquence : une soignante sur 3 (contre un homme sur 5) est obligée de reprendre son travail à temps partiel uniquement. Et je dis « obligée » car la question précisait bien « par contrainte liée au mode de garde de votre enfant ».

Résumons. Un projet d’enfant conduit plus souvent une soignante qu’un soignant à envisager un changement de métier (57% contre 35%). Un enfant incite plus une soignante qu’un soignant à quitter son emploi (40% contre 32%). Et si elle reste en poste, une mère subit davantage qu’un père les contrecoups de la parentalité en termes de carrière professionnelle (37% contre 26%).

La triple peine je vous dis. 

Et après, « on » (« on », c’est-dire les pouvoirs publics, les hôpitaux, leurs directions et leurs services de RH) s’étonne des difficultés de recrutement de personnel féminin. 

« On » s’étonne, mais par une espèce de retournement assez pervers « on » fait peser sur elles la responsabilité de la situation. Tous métiers confondus, plus d’une femme sur deux ont déjà ressenti des pressions ou des contraintes importantes de la part de leur famille ou de leur milieu professionnel – justement parce qu’elles étaient à la fois mères et actives. 

Ce n’est pas que du ressenti. Une femme sur 4 entend un jour ou l’autre, dans la bouche d’un mari ou d’un collègue, une remarque perfide du genre « Ce serait bien que tu t’occupes un peu plus de tes enfants et un peu moins de ta carrière … »

Et ça marche. 

Une femme sur 3 a déjà éprouvé de la culpabilité parce qu’elle travaillait tard le soir – comme si on luiavait laissé le choix. Dans le monde de la santé, c’est même deux femmes sur trois.

Ça marche, mais c’est vraiment dégueulasse.

  •  : baromètre Odoxa pour MNH et Le Figaro Santé auprès de 2010 Français et 1 432 professionnels de santé