Soignants non vaccinés : le bal des faux-culs

Depuis quelques jours, les soignants non vaccinés peuvent donc revenir à l’hôpital sans problème pour y retrouver leur poste ou être « réaffectés dans un emploi équivalent ».

Comment en est-on arrivé là ? Sur le principe, tout semble absolument « normal ».

Saisie par le ministre de la Santé, la HAS (Haute autorité de santé) a rendu son avis sur le sujet. Normal. En s’appuyant uniquement sur des considérations scientifiques. Normal aussi.

François Braun a suivi cet avis. Normal. Et publié dans la foulée un décret en ce sens. Normal aussi.

D’où vient alors ma colère, avec le sentiment que dans cette histoire on a affaire à un joli bal de faux-culs ?

Prenons la HAS tout d’abord. Dans son avis, elle rappelle en préambule qu’une vaccination est obligatoire si et seulement il y a

1 une maladie grave

2 un risque élevé d’exposition et un risque de transmission avéré

3 un vaccin efficace et bien toléré

Partant du constat que le nombre de cas positifs est désormais « faible » et que l’efficacité du vaccin « s’érode » progressivement contre les formes sévères, la HAS propose donc la suspension de l’obligation. Tout en « la recommandant fortement, en particulier pour les professionnels en contacts réguliers avec des personnes immuno-déprimées ou vulnérables » (autant dire, la quasi-totalité des malades à l’hôpital). 

Alors, faux-cul la HAS ? Oui, et à plus d’un titre.

Parce qu’elle établit ses recommandations « sans préjuger des éléments éthiques qui seront portés par le CCNE » – comme si l’un pouvait aller sans l’autre. 

Parce qu’elle préfère ne pas voir qu’en insistant sur la diminution d’efficacité du vaccin dans la durée, elle renforce les discours antivax.

Parce qu’elle se contente d’une « recommandation forte » alors que, la HAS le reconnait dans son avis page 56, la couverture vaccinale est « bonne » quand c’est obligatoire. Mais « très insuffisante » quand c’est recommandé (97% pour l’hépatite B par exemple, mais 25% pour la grippe. On a connu avis plus incitatif …

Faux-cul aussi, les médias comme Libération qui le 15 mai, sous couvert d’expliquer les « doutes » (dans le titre) des soignants non vaccinés se fait le relais d’un discours anti-sciences et victimaire. Des soignants qui se sont « retrouvés sans salaire, sans rien, sans aide. Une mort professionnelle et sociale » se lamente un de leurs avocats. Des soignants « qui croient en la médecine mais pas dans les politiques », victimes « de mesures liberticides complètement aberrantes » pour l’un. Tandis qu’une autre, plus radicale encore, affirme « ne plus avoir confiance en la médecine. Avec les médicaments et les antibiotiques, ça va être compliqué » ajoute l’aide-soignante. Oserais-je lui répondre que sans médicaments, sans antibiotiques, ça risque d’être plus compliqué encore ? …

Prenons enfin le ministre de la Santé. Faux-cul lui aussi ? Et comment !

Parce qu’il est « obligé », affirme-t-il, de suivre l’avis de la HAS – alors que c’est faux sur le plan juridique et qu’en tout état de cause il n’y avait aucune urgence à promulguer le décret.

Parce qu’il dit espérer que le retour des soignants non vaccinés se fasse « dans les meilleures conditions possibles » – alors qu’il ne peut ignorer les réticences, voire les oppositions fortes que sa décision suscite chez le personnel qui, lui, s’est fait vacciner et qui est resté au chevet des malades pendant l’épidémie.

Parce qu’il met en avant des « données scientifiques », qui sont pourtant contredites par des sociétés savantes comme la société d’infectiologie, des institutions comme l’Académie de médecine, des organisations comme la Fédération hospitalière de France (FHF).

Parce qu’il est favorable à la réintégration de ce personnel – alors que lorsqu’on lui demande sa réaction s’il était pris en charge par un antivax il répond dans une interview à France Inter qu’il serait « inquiet ».

Vous savez quoi François ? (je m’autorise cette familiarité car je vous connais un peu) Moi aussi je serais inquiet. Et quelque chose me dit que le professionnel de santé, le médecin, l’urgentiste que vous êtes ne doit pas être complètement à l’aise avec la décision du ministre que vous êtes également.