Covid 19 : qui sont les anti-vax ?

C’est maintenant une quasi-certitude : dès le premier trimestre 2021, des vaccins contre le Covid 19 seront disponibles en France. Lesquels ? Quand ? Pour qui ? Autant d’interrogations sans réponses à ce jour. D’où, au passage, le côté surréaliste du débat lancé par les médias sur la question du caractère obligatoire ou non du vaccin.

Je dis surréaliste car en ce qui concerne le grand public, la question n’a aucun sens. Pour une raison simple : il n’y en aura de toute façon pas assez pour tout le monde ! Quant aux professionnels de santé, la question est d’ores et déjà tranchée : dès lors que le vaccin contre la grippe n’est pas obligatoire – alors qu’il est sûr et efficace – on voit mal comment le gouvernement pourrait imposer un autre vaccin qui , lui, ne bénéficie pas d’un recul suffisant.

Mais revenons au Covid 19. Antoine Bristielle, de la Fondation Jean Jaurès, vient de publier une étude fouillée et passionnante sur le sujet. Il dresse un portrait-robot des anti-vax qui recèle quelques surprises. Revue de détail.

Premier constat : de tous les pays développés, la France est celui où les réticences sont les plus fortes. En pratique, lorsqu’on leur demande si elles seraient prêtes à se faire vacciner contre le Covid, 24% des personnes interrogées répondent « probablement pas » et 19% « certainement pas ». Soit, au total, 43% de réticents contre 57% seulement de oui. C’est moins que les États-Unis (64%), nettement moins que l’Allemagne (69%) et beaucoup moins que le Royaume-Uni (79%) ou la Corée du Sud (83%).

Pourquoi un si haut niveau de méfiance en France ? Les raisons sont complexes et surtout multiples. Comme je l’ai déjà expliqué dans des posts de blog plus anciens, on peut citer pêle-mêle les ratés précédents du virus H1N1 ou de l’hépatite B, les controverses sur l’aluminium contenu dans certains vaccins, les déclarations délirantes de quelques écolos comme Michèle Rivasi et j’en passe.

Deuxième constat de l’étude de la Fondation, beaucoup plus surprenant celui-là : la vraie ligne de fracture entre « pour » et « contre » n’est ni la préférence politique, ni le niveau de revenus ni la CSP. Elle dépend avant du… du sexe ! En effet, seuls 35% des hommes sont réticents, alors que le pourcentage grimpe à 50% chez les femmes. Pourquoi ? Non pas tant parce qu’elles doutent plus de l’efficacité du vaccin (60% environ quel que soit le sexe), mais parce qu’elles ont peur des effets indésirables (35% des hommes, mais 52% des femmes).

Troisième constat, moins étonnant : plus on est jeune, plus on est réticent (47% des moins de 35 ans contre 32% chez les plus de 60 ans) Cela s’explique aisément, dans la mesure où, de fait, les jeunes sont moins à risques. Mais, ajoute le chercheur de la Fondation, contrairement à une idée reçue, les jeunes Français d’aujourd’hui ne sont pas plus égoïstes ou inconséquents que les générations précédentes. Ils ne sont pas non plus plus égoïstes que leurs voisins européens : leur niveau d’altruisme à l’égard des personnes âgées est le même qu’en Allemagne ou en Suède.

Quatrième constat : les clivages politiques et socioprofessionnels sont plus complexes qu’on pourrait le penser. Certes, les anti-vax se recrutent surtout dans les partis populistes : pour une moyenne de 43% tous partis confondus, ils sont 22% chez les LREM et 23% au PS, contre 45% chez LFI et 56% au RN. Mais du côté des verts, on en trouve quand même 46%. Et si l’on regarde la CSP, les anti-vax sont plus nombreux chez les employés (56%), que chez les ouvriers et les cadres (respectivement 36% et 37%). Preuve que l’adhésion à la vaccination contre le Covid n’a pas forcément à voir avec le niveau d’études ou de revenus.

Reste une question cruciale : que faire pour que la confiance vis-à-vis des vaccins en général et de celui contre le Covid 19 en particulier remonte ? L’étude de la Fondation propose, à juste titre, de rassurer les Français sur le bien-fondé de la politique sanitaire menée par le gouvernement et, surtout, d’adopter un ton très explicatif, très pédagogique. Sauf que… sauf que dans un pays où la confiance envers les institutions s’est effondrée, la pédagogie n’est pas chose facile. Qu’on en juge : les Français ne sont que 36% à faire confiance à leur Président, 29% à leur député et 11% aux partis politiques en général.

Quant aux scientifiques, ils bénéficiaient avant la crise du Covid d’une côte de confiance exceptionnelle (95%). Mais les polémiques stériles, les déclarations à l’emporte-pièce de certains, les accusations de mensonge réitérées par d’autres ont sapé cette confiance : en moins d’un an, elle a chuté de 20 points.

Les médias grand public, et au premier rang d’entre eux les chaines de télé d’info continue pourraient mener ce combat d’intérêt général, expliquer encore et encore ce qu’est une recherche bien menée, rappeler que la science avance à un rythme qui n’est pas celui de l’immédiat, admettre que devant un virus inconnu il faut faire preuve d’humilité. Bref, ils pourraient faire de la pédagogie intelligente.

Oui mais voilà : « dans cette quête permanente du buzz, du clash et de l’audimat » comme l’écrit la Fondation, les chaines d’info continue ont souvent opté pour la politique du pire, pour la facilité et la démagogie. Une chaine en particulier s’est distinguée : C News.

C News, dont son propriétaire Bolloré ne fait pas mystère de ses convictions de catho tradi, c’est la chaine de télé qui donne régulièrement la parole aux porte-voix de l’extrême droite au nom du « pluralisme » et de la « lutte contre la bien pensance ». C’est la chaine où Pascal Praud anime quotidiennement des débats aux relents poujadistes autour de quelques « grandes gueules » (Elisabeth Lévy, André Bercoff, Jean-Claude Dassier et j’en oublie). C’est la chaine qui offre à Zemmour une tribune hebdomadaire et un large temps d’antenne alors que celui-ci a été condamné à trois reprises pour « incitation à la haine raciale ».

C News, c’est donc la chaine qui prétend « dire la vérité aux Français » et « poser les vraies questions ». Et qui mieux que Raoult est censé incarner ce combat à propos du Covid 19 ? D’où le parti-pris, constant et délibéré, de relayer ses thèses à coup d’interviews toutes plus complaisantes les unes que les autres. D’où le choix d’inviter ses partisans en les laissant balancer leurs mensonges sans jamais les contredire. Jusqu’à donner la parole au Pr Christian Perronne qui, non content de prétendre que la maladie de Lyme a été créée par un médecin nazi en manipulant le génome des tiques ( !!!!) ose affirmer qu’on a tué « 25 000 Français en refusant de leur donner de la chloroquine ».

Dernier exemple en date, toujours sur C News : Pascal Praud invitait la semaine dernière le producteur du documentaire « Hold up » faire sa pub sans vergogne. Je ne vais pas revenir ici sur le délire conspirationniste que porte ce film – en deux mots, Bill Gates et Davos ont créé le virus du Covid 19 pour imposer un vaccin contenant des nanoparticules qui vont implanter la 5G dans la tête des gens malgré eux ! Des médias consciencieux (Libé, Le Monde, France Info…) ont fait leur boulot d’informations en relevant toutes les inexactitudes. Mais quand même : Pascal Praud, vous qui vous dites journaliste, vous n’avez pas honte d’inviter ce producteur ? Vous n’avez pas honte de ne pas lui apporter la moindre contradiction ? Vous n’avez pas honte de mettre ce bandeau au bas de l’écran : « Hold up, le docu qui dérange » ? Non monsieur Praud, le bon bandeau ce n’était pas « le docu qui dérange ». C’était « le docu qui pue ».