Pénurie de masques : à qui la faute ?


Je ne comprends pas. Et je ne suis sûrement pas le seul. Comment est-il concevable que la France, pays développé économiquement, avancé industriellement, structuré sanitairement, comment est-il possible que la France manque à ce point d’un produit aussi simple à fabriquer que des masques chirurgicaux ?
Voilà des jours, des semaines que les professionnels de santé alertent les pouvoirs publics. En vain. Médecins de ville, infirmières libérales, aides-soignants, personnel de maison de retraite et d’EHPAD, tous réclament ce qui n’est rien d’autre qu’une évidence, une nécessité : pouvoir travailler dans des conditions de sécurité correctes.
Avec courage, avec abnégation, ils prennent aujourd’hui des risques pour leur santé personnelle – et, partant, pour le système de santé tout entier. Car un professionnel de santé atteint par le Covid 19, c’est une personne en moins pour soigner toutes les autres personnes, les malades, les personnes âgées, les patients fragiles, les sans-abris. En cela, ils sont parfaitement légitimes quand ils dénoncent la pénurie actuelle de masques. Et je suis déjà désespéré à l’idée que certains d’entre eux vont être contaminés, peut-être en mourir, alors qu’ils n’ont fait que répondre à leur sens du devoir et à l’éthique de leurs métiers.
J’ai écouté les explications données hier par Oliver Véran, le ministre de la Santé, et si j’ai bien saisi, l’explication tient (en partie), à la décision prise en 2011 par les pouvoirs publics de ne pas renouveler les stocks. Avec cet argument qu’à cette époque, la France était largement pourvue avec 600 millions de masques FFP2 et un milliard de masques chirurgicaux en stock. Et que les capacités de production dans le monde entier, la Chine en premier (!) seraient largement suffisantes en cas de crise. On voit aujourd’hui ce qu’il est…
N’empêche : quelles que soient les erreurs d’appréciation commises dans le passé, il y a eu, manifestement, un manque d’anticipation depuis le début de l’épidémie de Covid 19. Et ce manque perdure aujourd’hui encore. J’en veux pour preuve l’engagement pris lundi dernier par Emmanuel Macron que, dès mercredi, les professionnels de santé auraient à leur disposition des masques en nombre suffisant. Résultat ? Aujourd’hui vendredi, cette promesse n’est toujours pas tenue.
Là encore, je ne comprends pas. S’agit-il d’un problème de fabrication ? de distribution ? de répartition ? A qui la faute ? On peut toujours, bien entendu, chercher « un » responsable. Mais ce serait illusoire – ils sont trop nombreux. Et ce serait bien trop tôt – une fois l’épidémie passée, le temps viendra de faire ce que les experts appellent un « retour d’expérience ».
Pour autant, cela ne m’empêchera pas de déplorer des manquements graves, à la fois sur le plan individuel et collectif. Je songe évidemment, sur le plan individuel, aux vols, y compris au sein de l’hôpital. Le CHU de Montpellier par exemple dénonce la « disparition » de 12 500 masques dans ses locaux et, c’est terrible à dire, ces masques ayant été transposés dans des locaux fermés à clé, ces vols n’ont pu qu’être le fait de personnes travaillant dans cet établissement.
Je songe aussi au comportement de certains citoyens, affublés de leur masque FFP2 dont j’ignore comment ils ont pu se les procurer. Mais qui, je le sais, n’en ont pas besoin et qui se grandiraient à les offrir à ceux qui en ont vraiment besoin, tous ces personnels de santé que j’évoquais plus haut. Je reviendrai sans doute sur ce point dans un prochain post car je rentre à l’instant du marché, et j’ai éprouvé une bouffée de rage en voyant ces gens masqués, parfois jeunes, manifestement en bonne santé, expliquant à qui voulait l’entendre que « on sait jamais, c’est plus prudent ».
Parce que quand même : cela fait quelques jours seulement (à Paris) que je vois fleurir ces masques – au passage, ils auraient mieux fait de les mettre la semaine précédente, avant le confinement, ça aurait été plus cohérent… Du coup je m’interroge : où les ont-ils achetés ? Quand ? Auprès de qui ? Et comment osent-ils les porter aujourd’hui ? Comment ont-ils osé les garder en réserve chez eux, alors que depuis des semaines les soignants crient leur désarroi ?
Un mot, enfin, pour les collectivités, les entreprises, les institutions qui possèdent des masques chirurgicaux et qui rechignent encore à les distribuer. Qu’attendez-vous ? On a appris hier que l’armée allait mettre à disposition des professionnels de santé cinq millions de masques. Fort bien. Mais il leur reste encore combien en réserve ? Combien de temps vont-ils encore tergiverser avant de tous les donner ?
Combien de morts faudra-t-il dans la population civile pour que, enfin, nos soignants soient correctement équipés ?