Burn out: 30 000 ou 3 millions, combien de victimes ?

Combien de personnes sont-elles en France en situation de burn out ? Dans un avis rendu récemment, l’Académie de médecine se garde bien de répondre à la question. Pour une raison simple : ce terme, pourtant utilisé par de nombreux spécialistes, ne correspond selon elle à rien de précis ! Les salariés qui en sont victimes ne seraient donc que des malades imaginaires ?…

Dès 1959 pourtant, le psychiatre français Claude Veil introduit la notion d’« épuisement professionnel » comme « le fruit de la rencontre d’un individu et d’une situation ». Plus près de nous, en 1971, un psy new-yorkais crée l’expression « burn out » pour décrire l’état de ces salariés dont « les ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte ». Et depuis les années 90, le terme a fait florès – au point de tomber dans le langage courant, avec tout que cela comporte d’excès et d’imprécisions : aujourd’hui, on entend certains proclamer au boulot ou entre amis « je suis en plein burn out » comme ils disent « j’ai fait une grippe » alors qu’ils continuent d’aller travailler sans avoir besoin de s’arrêter ne serait-ce qu’une journée.

Un écart de 1 à 100

C’est d’ailleurs tout l’intérêt du travail de l’Académie de médecine : se limiter à une vision strictement médicale, quand l’approche du sujet est, chez la plupart des spécialistes, « sociétale et psycho-sociale », remarque justement Jean-Pierre Olié, rapporteur de l’avis. L’Académie a donc beau jeu de souligner l’extraordinaire hétérogénéité des chiffres disponibles, puisque personne n’est en mesure de définir précisément ce que recouvre ce terme. De fait, entre les estimations des uns (plus de 3 millions) et celles des autres (30 000 à peine), l’écart varie de 1 à 100. Dans ces conditions, Jean-Pierre Olié peut bien ironiser sur « des chiffres à prendre avec des pincettes ».

N’en déplaise à l’Académie de médecine, ce n’est pas parce que les évaluation divergent que le burn out n’existe pas. Le chiffre de 3 millions de personnes concernées ? Il provient d’une étude du cabinet Technologia  déterminant les facteurs de survenue d’un burn out parmi les salariés, et qui aboutissait à la conclusion que 3 millions d’entre eux pouvaient être effectivement considérés comme « à haut risque », ce qui ne signifie pas qu’ils en soient victimes. Le chiffre de 100 000 personnes, présenté par l’Académie comme « très sérieux » ? Il émane d’une étude belge avec extrapolation à l’Hexagone. Quant à celui de 30 000, il ressort d’un travail de l’Institut de veille sanitaire (InVS) publié l’année dernière, selon lequel 480 000 salariés seraient en souffrance psychique liée au travail, dont 7% (les fameux 30 000) en burn out.

Que déduire de ces écarts considérables ? Plusieurs choses. Que les chiffres ne suffisent pas à dire le réel. Que l’épidémiologie n’est pas une science exacte. Que les professionnels de santé devraient être mieux formés sur ces questions. Mais, surtout, que le burn out est bien une question de société et que le ministère de la Santé ferait bien de s’en emparer, au lieu de la laisser au seul ministère du Travail. N’est-ce pas Marisol ?…