souffrance psychique au travail: les femmes et les cadres en première ligne

C’est quoi exactement, la « souffrance psychique au travail »? Si chacun de nous en a une idée plus ou moins intuitive, la réponse juridique n’a rien d’évident, puisque celle-ci n’est pas inscrite dans la liste des maladies professionnelles. Pour autant, certaines affections, elles, relèvent bien de la souffrance psychique – troubles du sommeil, épisode dépressif sévère ou léger, troubles anxieux ou du comportement alimentaire etc – et, en tant que telles, elles peuvent donner lieu à des estimations officielles. Des chercheurs de l’InVS (Institut national de veille sanitaire) se sont penchés sur cette question avec l’aide de l’inspection générale du travail et leur étude, publiée dans un récent numéro de la revue BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire), apporte quelques surprises. Primo, les salariés les plus touchés par la souffrance psychique au travail sont les cadres et, de façon plus générale, les salariés des catégories sociales élevées. La raison? Ces dernières années, la dégradation des conditions de travail les a touchés de plein fouet, davantage semble-t-il que les ouvriers ou les employés même si ces derniers ne sont pas épargnés. Secondo, la souffrance s’est accrue dans toutes les catégories de la population entre 2007 et 2012, mais bien plus chez les femmes (de 2,3 à 3,1%) que chez les hommes (de 1,1 à 1,4%). Globalement, la fréquence des symptômes a augmenté de 50% et les principaux sont les troubles dépressifs et anxieux (33% environ) et l’épisode dépressif léger (25%). Quant au syndrome d’épuisement professionnel, il toucherait désormais 6 ,7% des femmes et 7,3% des hommes. Tertio, le risque de souffrance psychique augmente considérablement avec l’âge. Il est par exemple 7 fois plus élevé chez les hommes de 45/54 ans que chez les moins de 25 ans! Au final, même en prenant la fourchette la plus basse, « il serait raisonnable d’estimer qu’environ 480 000 salariés seraient touchés », avancent les spécialistes. Pour mémoire, en 2013, le nombre de personnes indemnisées parce qu’elles présentaient une souffrance mentale liée au travail était de… 250.