Burn out, épuisement professionnel, harcèlement: pourquoi le monde de la santé est le plus concerné

Combien sont-ils, à l’hôpital ou en clinique, à souffrir de mal être au travail, voire d’épuisement professionnel? 30? 40? 75% même, à en croire une enquête auprès des médecins en 2011. Au-delà de la querelle des chiffres, tout le monde s’accorde en tout cas sur un point: le monde de la santé est, plus que tout autre, soumis à un stress intense.

 

C’est tout l’intérêt du remarquable travail effectué par Julien Loquet et Layia Ricroch, deux chercheurs de la DRESS (Direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques). Premier enseignement: après vingt années de dégradation ininterrompue des conditions de travail, les choses se sont (un peu) améliorées au début des années 2000, mais depuis  « l’intensification du travail semble repartir à la hausse » notent les deux experts. En 2013, 70% des salariés du secteur hospitalier travaillaient le samedi, 64% le dimanche et 33% la nuit – ils ne sont respectivement « que » 50%, 30% et 16% dans les autres secteurs économiques.

 

Deuxième enseignement: les tensions avec le public (patients, accompagnants…) se sont considérablement accrues entre 2003 et 2013: 32% contre 19% pour les agents d’entretien, 56% contre 43% pour les aides-soignants, 66% contre 54% pour les sages-femmes.

Les contraintes physiques sont également plus fortes: « rester longtemps debout » est le lot de 90% des agents d’entretien, et de 94,4% des aides-soignants contre 54% des médecins et 50% de l’ensemble des salariés en France. Même écart pour le fait d’ « effectuer des mouvement douloureux »: 73 ,7% des agents d’entretien en sont victimes, 85,6% des aides-soignants contre 37% de la population générale et 13,5% des médecins.

 

Mais le travail de la DRESS est surtout remarquable en ce qu’il liste les différents facteurs de risques psychosociaux en 5 grands groupes  – par comparaison, je mets entre parenthèses le pourcentage pour l’ensemble des salariés en France

L’exigence de travail: 64% du personnel est « obligé de se dépêcher » (46% )

Les exigences émotionnelles: 85% doivent parfois « calmer des gens » (54% )

L’autonomie et la marge de manœuvre: 45% ne peuvent interrompre momentanément leur travail quand ils le souhaitent (30%)

Les rapports sociaux: 20% ont déjà été « victimes d’une agression verbale de la part d’un collègue ou d’‘un supérieur » (13%)

Les conflits de valeur: 50% disent qu’il leur arrive de « faire trop vite une opération qui demanderait davantage de soins » (28%).

 

Des chiffres qui montrent bien l’étendue des difficultés que rencontre aujourd’hui l’ensemble du personnel, médecins et non médecins, salariés du public et du privé, un phénomène encore aggravé par les enjeux si spécifiques (douleur, décès, souffrance) du monde de la santé.