Labos pharmaceutiques : une si mauvaise image…

« Comment restaurer l’image de la pharma ? »… Vaste chantier comme disait De Gaulle ! Et à entendre les participants de cette rencontre proposée par le Leem (l’association qui regroupe les labos pharmaceutiques en France), on mesurait l’ampleur du chantier en question.

Tel était donc le thème de l’un des débats du 27ème Festival de la Communication Santé auquel j’ai participé ce week-end comme membre du jury. Organisé par la pétulante Dominique Noël, il rassemblait près de 400 participants – responsables de comm, industriels, étudiants, fondateurs de start ups… – et alternait échanges de fond et présentations en mode « speed vision ».

Mais revenons à la session consacrée à la réputation (pour le moins médiocre) des labos pharmaceutiques. D’emblée, la directrice de l’Association française des diabétiques, Carole Avril, donne le « la » : « l’image des industriels de santé est tellement mauvaise qu’elle en devient contagieuse ! Même lorsqu’il s’agit de créer un véritable partenariat avec les associations de patients, le doute est présent.  Au point que ce genre d’initiative finit parfois par nous porter tort, car nous sommes suspectés d’être achetés alors que ce n’est jamais le cas. »

A cela, Benoit Thieulin, fondateur de l’Agence La Netscouade peut bien répondre qu’il est difficile pour les industries « à supplément d’âme » comme la pharma (qui guérit) ou l’agro-alimentaire (qui nourrit) de se construire une belle image. Jean-Yves Lecoq, vice-président du labo GSK, peut bien ajouter que les bénéfices des labos sont « légitimes et raisonnables ». Grégoire Moutel, président du comité de déontologie du Leem, peut toujours arguer que le secteur de la pharma est « l’un des plus régulés en France sur le plan déontologique », le fait est là, patent : cette « transparence » que tout le monde appelle de ses vœux reste aujourd’hui… un vœu pieux.

Et c’est justement en entendant Grégoire Moutel déplorer que « l’industrie pharma ait peur de dire ce qu’elle est » que je me suis fait la réflexion suivante : mais de quoi parle-t-on ? Quelle est cette « transparence » à laquelle aspire la pharma ? Jusqu’où peut-elle aller ? Est-elle seulement possible ?

Car enfin, aucune industrie n’est totalement transparente. Les enjeux financiers sont toujours colossaux, les marges réelles dissimulées, les choix stratégiques masqués, les innovations tenues secrètes jusqu’au dernier moment – et c’est encore plus vrai dans un secteur hyper concurrentiel comme celui de la pharma. Comment même peut-on parler de « transparence », dans un secteur où les négociations sur les prix des médicaments avec les labos relèvent du « secret défense » – même les salariés du labo en question n’en connaissent pas la teneur exacte !

En réalité, le maitre mot est bien « opacité » – une opacité entretenue d’ailleurs par les pouvoirs publics eux-mêmes, trop contents d’obtenir parfois des rabais âprement marchandés, mais pas au point de l’avouer. Voilà pourquoi cette volonté de transparence ne tient pas :  elle se heurte au principe de réalité.

Mieux vaudrait donc cesser d’invoquer la transparence à tout bout de champ. Car dans le cas qui nous intéresse, le contraire de l’opacité, ce n’est pas la transparence impossible, c’est la « clarté » nécessaire. Les industries du médicament devraient donc commencer par là : être claires avec elles-mêmes, avec leurs attentes, avec leurs désirs. Et aussi, voire surtout, avec le grand public.

Un exemple ? S’engager financièrement aux côtés d’un site d’une association de patients n’a, en soi, rien de honteux. Sauf que… dans les faits, les labos rechignent justement à être clairs sur leurs objectifs – souhaitent-ils informer sur la maladie ? aider à l’éducation thérapeutique du patient ? promouvoir leurs produits ? Il suffit pourtant de suivre quelques règles déontologiques minimales pour éviter la suspicion : adhérer aux valeurs de l’association, admettre son indépendance éditoriale, reconnaître les bénéfices qu’elle offre à ses adhérents. Mais cela supposerait de dire la chose ; de se conformer à la législation ; d’accepter de répondre aux éventuels doutes sur le côté désintéressé de cet apport financier. Bref, cela supposerait d’endosser sereinement son rôle. A défaut d’une transparence pleine et entière, cette clarté-là ne serait déjà pas si mal.