Tik Tok : attention challenge débile (et mortel)

Vous avez déjà essayé de faire un Challenge tik tok ? Moi pas.  Le seul que je connais (et dont je n’ai d’ailleurs jamais compris l’intérêt) consiste à se filmer en se balançant un seau d’eau glacée sur la tête. Aujourd’hui, je découvre qu’il existe des dizaines d’autres Challenge, utiles (nettoyer un lieu encombré de déchets), sportifs (faire le plus de pompes possible), inutiles (un chien ou un chat doit franchir une barre sans la faire tomber), familiaux (grands-parents, parents et enfants dansent sur la même musique) …

Il est même des Challenge quasi ésotériques. Comme celui-ci : filmer en gros plan un ourson en bonbon pendant que défile en fond sonore « Someone like you » de la chanteuse Adèle, et élargir le champ pendant le refrain en montrant des dizaines, des centaines de bonbons oursons. Record à ce jour : 25 millions de vidéos vues. On vit une époque formidable.

Si je me suis intéressé à tout ça c’est que le dernier en date, le « paracétamol challenge » n’a en revanche rien de drôle ni d’anodin. Il a même provoqué récemment la mort d’un enfant de 11 ans aux Etats-Unis. Son principe : avaler de très fortes doses de paracétamol, et ensuite se faire hospitaliser pour y rester le plus longtemps possible – toujours en se filmant sans quoi, à l’heure des réseaux sociaux, cela n’aurait bien sûr aucun intérêt. 

Devant le succès de pari débile, le centre antipoison de Belgique a dû cette semaine lancer une alerte officielle pour rappeler aux enfants tentés d’y participer et à leur parents une évidence manifestement oubliée : un médicament n’est pas un bonbon. Il peut se révéler dangereux, mortel même dans certains cas.

En l’occurrence, une surdose de paracétamol peut avoir des conséquences irréversibles sur de nombreux organes comme le foie, les reins ou le cerveau. A partir de combien de comprimés ? La réponse varie bien entendu selon les individus, mais les médecins recommandent de ne pas dépasser les 4 grammes par 24 heures chez l’adulte (j’insiste : par 24H, pas dans la journée), sachant qu’au-delà de 8 grammes le paracétamol peut tuer. De fait, chaque année, on dénombre des dizaines de morts par an en France, qu’il s’agisse d’intoxication accidentelle ou de tentative de suicide – au passage, je précise qu’en cas de « réussite » c’est (très) long et (très) douloureux.

En 2009, la Suède a autorisé la vente libre de paracétamol dans les stations-services, bureaux de tabac et autre supermarchés. Résultat : deux fois plus d’hospitalisations pour surdosage, et retour à la vente en pharmacie exclusivement en 2015.

Justement, quels sont les signes d’un surdosage ? Le premier jour est le plus souvent asymptomatique et c’est d’ailleurs bien le problème. Au stade 2 (24H à 72H), des nausées et des douleurs abdominales apparaissent ; au stade 3 (J3-J4), ce sont hémorragie interne, jaunisse, pancréatite et reins hors service ; au stade 4, il faut envisager une transplantation hépatique, avec des chances de succès réduites et, de toute façon, un traitement lourd immunosuppresseur à vie.

Mis à part un lavage gastrique qui ne peut être effectué que dans les premières heures, le seul antidote connu, l’acétylcystéine (un fluidifiant bronchique contre les toux grasses) par voie orale ou en intraveineuse n’efface pas les lésions déjà observées ; au mieux, il évite leur aggravation.

Attention, enfin, à l’absorption involontaire et « cachée » : un Doliprane, plus un Efferalgan, plus un comprimé d’antalgique fort (paracétamol + codéine) dans la même journée, ce sont trois doses au final.

Et si je nomme ainsi les médicaments en question, c’est parce qu’en France, on a un véritable amour vis-à-vis de ces antidouleurs en général et du Doliprane en particulier. Chaque année, on en consomme en effet 300 millions de boites. Oui, vous avez bien lu : 300 millions, c’est-à-dire 80 000 boites par jour week-ends et jours fériés compris.

Alors, la prochaine fois qu’un enfant, le vôtre ou celui d’un ami, vous vantera le côté « frais », « dar », « stylé » ou autre de tik tok et de ses Challenge, profitez-en pour lui faire un petit cours de pharmacopée.