Mesdames, ne vous faites pas opérer par un homme !

La question est simple mais curieusement, personne n’avait pensé à la poser jusque-là : « Existe-t-il un lien de concordance de sexe entre le chirurgien et le patient d’une part, et les suites post-opératoires d’autre part ? ». Présenté plus brutalement, cela donne : « Quand on est une femme, vaut-il mieux se faire opérer par une femme ? ». Et la réponse est sans appel : c’est oui !

Plus précisément, avec un chirurgien le risque supplémentaire de décès est estimé à … 32%. Le chiffre peut sembler ahurissant, il n’en est pas moins scientifiquement validé.

Des chercheurs canadiens ont en effet épluché les dossiers de plus 1 300 000 patient(e)s – excusez du peu – opéré(e)s entre par 3 000 chirurgiens 2007 et 2019. Les 21 interventions étudiées allaient du plus simple (appendicite) au plus complexe (pontage coronarien, anévrisme …) en passant par la prothèse de hanche ou l’ablation de la vésicule biliaire.

Ils ont donc regardé les statistiques des suites opératoires selon que les interventions soient « concordantes » (500 000 hommes opérés par un homme, 100 000 femmes opérées par une femme) ou « discordantes » (670 000 femmes opérées par un homme, 50 000 hommes opérés par une femme).

Le résultat, publié récemment dans la très sérieuse revue JAMA, fait quelque peu frémir. La probabilité de rester plus longtemps à l’hôpital ? Quand c’est un homme qui opère une femme, elle augmente de 20% pour la quasi-totalité des interventions. Les risques de réadmission dans les trente jours suivant l’intervention ? Ils sont plus élevés de 16%. Quant aux risques de décès, ils s’envolent de 32%. Pour une transplantation cardiaque par exemple, ils passent de 1% à 1,4%. Et ce, « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire à âge, antécédents et état général équivalents.

Comment expliquer de tels écarts ? Le Dr Angela Jerath, épidémiologiste et co-autrice de l’étude, avance quelques pistes. En premier lieu, elle mentionne des « différences de mode de communication ». Concrètement, les chirurgiens seraient moins pédagogues, moins précis dans leurs explications, avec une attitude plus condescendante envers les malades.

Surtout, le Dr Jerath dénonce la persistance « de stéréotypes et de préjugés sexistes implicites » courants dans le monde médical. Et plus encore dans cette spécialité exercée, rappelons-le, par une large majorité d’hommes (86%) même si la parité est aujourd’hui de mise chez les internes et les moins de 35 ans.

Quels sont donc ces « stéréotypes sexistes » ? Il en est un, me semble-t-il, qui a la vie dure et qui pourrait en partie expliquer la chose. Celui qui veut que les femmes soient plus « douillettes » que les hommes ! Partant, les chirurgiens seraient peut-être moins enclins à écouter les patientes et à les prendre au sérieux quand elles disent qu’elles ont mal quelque part.

Autre préjugé bien ancré dans la tête des médecins : physiologiquement, hommes et femmes réagissent de la même façon à un médicament. Or, comme je l’explique dans un post précédent, c’est faux. Il existe par exemple des différences de métabolisme qui modifient la vitesse d’absorption d’une molécule. Le problème, c’est que les posologies sont définies à partir des essais cliniques. Et que ceux-ci sont, dans 80% des cas, menés sur des hommes. Avec toutes les erreurs de prescription que cela peut induire.

Un exemple : parce qu’une étude avait montré que, chez les hommes, l’aspirine était efficace pour prévenir les attaques cardiaques, on l’a recommandée aux femmes. Pendant près de dix ans. Avant que des chercheurs découvrent que c’était certes utile, mais uniquement pour la gente masculine ! On leur a donc donné de l’aspirine « pour rien ». Je rappelle au passage que l’aspirine fluidifie le sang ce qui, en période de règles, n’est pas forcément une bonne idée …

Dernière illustration de la double peine que subissent les femmes en matière de santé : en cas d’infarctus, elles arrivent en moyenne une demi-heure plus tard aux urgences. Pourquoi ? Parce que, chez elles, il ne se manifeste pas toujours par la douleur classique au bras gauche. Parfois, ce sont de des élancement dans la mâchoire qui peuvent, à tort, orienter le praticien vers des problèmes neurologiques.

Conclusion, imparable : quand on est une femme, mieux vaut choisir une femme médecin. Et quand on est un homme alors ? Eh bien c’est … la même chose ! Le Dr Jerath est on ne peut plus claire : « Lorsque c’est une femme qui opère, les résultats sont généralement meilleurs ». Les machos, médecins ou non, vont avoir du mal à s’y faire.  Et si c’était ça, la vraie révélation de cette étude ?