Santé: la femme n’est pas un homme comme les autres

J’ai appris plein de choses cette semaine grâce à l’Académie de Médecine, qui lançait un appel pour « une vraie parité en santé » entre hommes et femmes – pour une fois d’ailleurs, la parité était aussi sur l’estrade, alors que d’ordinaire le ratio de cette auguste assemblée est plutôt d’une (femme) pour dix (hommes)…

Ceci d’abord : sur le plan génétique, il y a 99,9% de similitude entre deux hommes (ou deux femmes) pris au hasard. En revanche, il n’y a « que » 98,5% de similitude entre un homme et une femme. Or curieusement, 98,5%, c’est aussi le pourcentage de similitude entre un homme et un singe mâle (ou entre une femme et un singe femelle). Je ne sais pourquoi, il m’est venu alors cette idée saugrenue que, génétiquement, François Hollande est aussi éloigné de Ségolène Royal que d’un chimpanzé mâle.

Ceci encore : on sait depuis longtemps qu’hommes et femmes ne sont pas égaux devant les maladies. Statistiquement, les premiers sont plus souvent atteints d’autisme ou de cancer du cerveau, tandis que les secondes souffrent davantage de troubles alimentaires, d’Alzheimer et de maladies auto-immunes –  10 fois plus de lupus par exemple, après la puberté. En revanche, il a fallu attendre 2006, et une publication dans Genôme Resarch, pour découvrir que les gènes actifs d’un organe s’expriment différemment selon le sexe. Et pas qu’un peu : c’est le cas de 13,6% des gènes pour le cerveau, de 55,4% pour les muscles et de 72% pour le foie !

Deux fois plus d’effet secondaires

Tout cela pourrait rester au stade de la curiosité scientifique, voire de l’anecdote, si 80% des essais cliniques sur les animaux (et 60% des essais sur l’homme) n’étaient effectués sur des mâles uniquement. Concrètement, cela signifie que les médicaments sont testés et conçus avant tout pour des hommes ; et, donc, que les femmes sont moins bien prises en charge – plus exactement, elles sont soignées comme si elles étaient des hommes. Avec tous les risques d’erreurs et d’approximation que cela comporte.

Un exemple parmi d’autres : au début des années 90, des études concluantes (sur des hommes) ont montré que l’aspirine avait un effet positif en prévention des attaques cardiaques. Les médecins l’ont donc prescrite aux femmes, jusqu’à ce qu’une étude (spécifique celle-là) lancée huit ans plus tard montre que chez elles, l’aspirine n’était efficace que contre les attaques cérébrales – et encore : uniquement chez les plus de 55 ans ! On a leur donc fait prendre de l’aspirine pendant des années « pour rien », alors même que l’acide acétylsalicylique (son nom scientifique) fluidifie le sang ce qui, on s’en doute, n’est pas vraiment utile en période de règles notamment…

Conséquence : les femmes font une fois et demi à deux fois plus d’effets secondaires, et 80% des médicaments retirés du marché le sont justement à cause de ces effets non étudiés durant les phases d’essais cliniques. Désormais, le NIH, l’organisme de recherches public américain, subordonne d’ailleurs ses subventions aux seules études qui incluent des cohortes de femmes.

Misogynie médicale

Mais les femmes ne sont pas seulement moins bien soignées, elles sont aussi moins bien diagnostiquées car, là encore, les médecins (hommes) s’intéressent principalement aux patients masculins. Ainsi, chacun sait que l’infarctus se caractérise par des douleurs au bras gauche. Chez tout le monde ?… Non ! Chez la femme, il est souvent précédé de douleurs à la mâchoire et au au cou. Nombre de médecins l’ignorant, ils ne pensent pas « infarctus » mais problèmes neurologiques ou musculaires. Résultat : le diagnostic est retardé, et en cas d’infarctus les femmes arrivent en moyenne « 20 à 30 minutes » plus tard que les hommes aux urgences, dénonce le Pr Claudine Julien, chercheuse à l’INRA et spécialiste de génétique médicale.

On pourrait ainsi multiplier les exemples de misogynie médicale, et même industrielle. Allez, un dernier pour la route (oui, j’ai osé) : les mannequins utilisés pour simuler les accidents de voiture ont une morphologie masculine – d’où la ceinture de sécurité à trois points pour éviter les enfoncements de la cage thoracique en cas d’accident. Parfait pour les hommes. Dramatique pour les femmes enceintes car elle écrase le fœtus. On le sait depuis des années. On a changé les ceintures ? Non.