Qui est la fille cachée de Didier Raoult ?

Ainsi donc, Didier Raoult a une fille cachée. Médecin, comme lui. A Marseille, comme lui. Dans un hôpital public, comme lui. Directement concernée par le Covid, comme lui. Favorable au vaccin. Pas comme lui.

On croyait tout savoir ou presque de Raoult. Son admiration pour son père. Son amour pour sa femme, Natacha. Son attachement pour ses deux enfants « officiels ». Mais également son combat en faveur de la chloroquine. Sa méfiance envers la médecine conventionnelle. Sa détestation proclamée des « élites » et des sachants – dont il fait pourtant partie.

On croyait que le clan Raoult était unanime à le soutenir, et voilà que l’on découvre qu’il a une fille issue d’un premier mariage, et que cette fille s’oppose à lui sur tous les plans. On croyait qu’il ne s’agissait « que » d’une polémique médicale, scientifique, politique, et voilà qu’on découvre qu’il se joue aussi là un drame familial. On se croyait chez Molière, et voilà qu’on se retrouve chez Racine.

On pourrait même parler de tragédie antique, tant on trouve dans cette histoire les ingrédients qui la caractérisent. Un « héros », Didier Raoult, qui renie un enfant et en reconnaît deux autres (nés d’une mère qui porte le nom biblique de Caïn). Un héros qui adule son père, médecin militaire qui a, dit-il, « sauvé les Africains » grâce à la chloroquine. Mais un héros qui, en même temps, rêve de le dépasser et de sauver le monde entier avec cette même chloroquine qu’il a prise toute son enfance. Un héros qui, à la fin de sa vie, est tué symboliquement par l’enfant qu’il avait banni. Petit détail au passage : le mari de l’enfant en question est gynécologue, la spécialité qu’aurait aimé exercer Didier Raoult et à laquelle il a dû renoncer en raison d’un mauvais classement à l’internat.

Une fille cachée, disais-je en préambule de ce post. Car jusqu’à la remarquable enquête d’Ariane Chemin publiée dans le Monde Magazine ce weekend, personne ou presque ne connaissait l’existence de Magali Carcopino-Tusoli. Sans doute parce que Didier Raoult n’en parle jamais, comme s’il l’avait répudiée. Et que Magali ne s’en vante pas, comme si elle avait honte de celui qu’elle appelle son « géniteur ».

Dès le début de la pandémie, cette spécialiste en médecine vasculaire a rejoint les rangs des unités anti-Covid à Marseille. Jour après jour, elle s’est employée à sauver des patients. Comme ses collègues, elle a constaté les ravages du coronavirus. La diversité de ses manifestations, la rapidité avec laquelle il envahit l’organisme, l’impuissance, souvent, à proposer des traitements adaptés.

On comprend, dès lors, la colère qui a dû la saisir devant les déclarations péremptoires son père : « une grippette », qui fera « moins de morts que les accidents de trottinette à Paris », et qui « est probablement l’infection la plus facile à traiter ». Quant à la chloroquine, son opinion est faite dès la première annonce de Didier Raoult : « Je suis tombée de ma chaise », confie-t-elle au Monde en rappelant, à juste titre, que cette étude portait sur 26 patients « dont six seulement avaient reçu le protocole complet ».

Alors ? Alors Magali sort du bois. En faisant avec son fils une bande dessinée vantant les vaccins à Arn messager (et qui sert d’illustration à ce post). En publiant des tweets sur les chercheurs « qui ne doivent pas être idolâtrés » ou sur le virus qui « se fout complètement des fantasmes de grandeur ». Et en signant début janvier dans La Provence une pétition appelant les Français à se faire vacciner.

C’en est trop. Ses prises de position, Magali Carcopino-Tusoli va les payer cher. Sur Twitter, les antivax se déchainent. Insultes, menaces, calomnies contre son mari, tout y passe. Y compris des allusions familiales sur ce « vilain petit canard » né « dans une famille de chênes brillants {où} il y a forcément des glands ».

Harcelée, épuisée, Magali dépose plainte pour « diffamation et injures publiques » contre Éric Chabrière, l’un des factotums de Didier Raoult qu’elle soupçonne d’être derrière ce déferlement de violence. L’audience se tiendra le 4 février prochain. Avec, phénomène nouveau, l’appui de l’Assistance Publique des hôpitaux de Marseille qui s’est portée partie civile.

Mais, quel qu’en soit le résultat, la bataille devant les tribunaux ne s’arrêtera pas là, car Didier Raoult risque de connaître prochainement bien des ennuis judiciaires. Deux enquêtes sont d’ores et déjà ouvertes par le parquet de Marseille. La première sur les traitements dangereux proposés à des malades tuberculeux par l’IHU (Institut hospitalo-universitaire) qu’il dirige, la seconde sur la convention signée par ce même IHU avec l’Institut de recherche pour le développement.

Ajoutons à cela une investigation en cours de l’ANSM (Agence du médicament) et une autre de l’IGAS (inspection des affaires sociales) diligentée par le gouvernement, ainsi que la plainte du Conseil de l’Ordre pour « charlatanisme » et « mise en danger des patients » toujours en cours. Cela commence à faire beaucoup…

De son côté, Didier Raoult multiplie les plaintes contre ceux qui osent mettre en doute ses travaux. Le Président du Conseil de l’Ordre le critique ? Il l’attaque pour « manque de confraternité ». Le Pr. Karine Lacombe dénonce ses déclarations anti-vaccin ? Il la poursuit pour « diffamation ». Elisabeth Bik, une microbiologiste hollandaise mondialement reconnue, pointe les conflits d’intérêt, les erreurs de méthode, les manquements à l’éthique de ses publications ? Il l’accuse de « harcèlement moral ».

Bref, Raoult entend rendre coup pour coup à ses accusateurs.

Pas sûr, pourtant, qu’il sorte gagnant de ce bras de fer judiciaire. Les preuves s’accumulent de ses petits arrangements avec la rigueur nécessaire à toute recherche. Son crédit auprès de ses pairs est aujourd’hui réduit à néant. Quant à sa gestion de l’IHU, elle est éreintée par les témoignages de nombreux salariés.

Les prochains épisodes promettent d’être acharnés. Didier Raoult a d’excellents avocats et le temps judiciaire est parfois long. Mais le jour arrivera où, d’appel en appel, les procédures seront épuisées. Ce jour-là signera la fin, le dernier acte d’une triple tragédie. Scientifique, sanitaire, mais aussi familiale.