Covid 19 : les soignants au bout du rouleau

Ils ne sont que quelques centaines à manifester aujourd’hui, mais ils représentent les centaines de milliers de soignants qui ont affronté la première vague de l’épidémie de Covid 19 et qui continuent, aujourd’hui encore, à faire leur métier dans des conditions difficiles – pour ne pas dire insupportables.

Au-delà de certaines revendications salariales qui n’ont pas été satisfaites par le Ségur de la Santé – le pouvaient-elles d’ailleurs, tant l’écart est immense entre leurs salaires et la valeur de leur travail ? – leur mal-être est bien réel et ne cesse d’empirer. Les infirmiers, en particulier, sont au bout du rouleau. Pour preuve, ce sondage effectué tout début octobre par leur ordre professionnel auquel 60 000 d’entre eux (!!!) ont répondu.

Un chiffre, un seul suffirait à prendre la mesure de leur engagement tout au long l’année 2020 : près d’un infirmier sur cinq travaillant à l’hôpital n’a eu de vacances depuis mars dernier. Et, c’est encore pire du côté des infirmiers libéraux :  près d’un professionnel sur trois n’a pu prendre de congés au cours des six derniers mois. Rien, pas un jour !

Or, plus que tout autre, cette profession est à risque de burn out. Parce que le métier est usant ; parce que la pression est forte, et les exigences immenses ; parce qu’il est impensable de l’exercer correctement sans s’y investir pleinement. Sans parler du rythme de travail, épuisant avec ses horaires de nuit, ses week-end à rallonge, ses 35 heures impossibles à récupérer.

Résultat : en temps « normal », 33% des infirmiers se disaient déjà en « situation d’épuisement professionnel », avec tous les risques que cela comporte – erreurs de prises en charge et perte de chances pour les patients, désengagement progressif et sentiment d’être empêchés de bien travailler pour les soignants. 33% donc avant la crise. Mais 57% aujourd’hui. Et combien demain, quand la deuxième vague aura envahi tous les lits de réanimation, qu’il faudra à nouveau « pousser les murs » et en même temps repousser une fois encore des interventions chirurgicales de moins en moins repoussables ?

Tout le monde en convient : la médecine est faite par les médecins, mais ces derniers ne pourraient rien faire sans la présence indispensable des infirmiers, des aides-soignants, des brancardiers. Bref, de toute la chaine de soignants d’un bout à l’autre de l’hôpital. D’un bout à l’autre, aussi, du système de santé, tant il est vrai que rien ne peut se faire, non plus, sans l’ensemble des professionnels qui exercent en ville. On l’a d’ailleurs bien vu depuis le début de l’épidémie, qu’il s’agisse des pharmaciens (très présents) ou des biologistes (souvent débordés).

En détaillant les nouvelles mesures du couvre-feu cet après-midi, Olivier Véran a eu bien raison de rappeler qu’un lit de réanimation supplémentaire, ce n’est pas seulement un matelas en plus qu’on mettrait ici où là dans une chambre. C’est une équipe de professionnels à embaucher, à intégrer, à former. Cela ne se fait pas en quelques semaines, ni même en quelques mois.

Or, il y a aujourd’hui 34 000 postes d’infirmiers vacants. Et si l’argent est là, les hommes et les femmes manquent à l’appel. Pourquoi ? Parce que ce métier est épuisant, je l’ai dit et que les infirmiers n’en peuvent plus. Déjà, nombre d’entre eux ont quitté les grandes villes. D’autres ont démissionné. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter : près d’un infirmier sur deux avoue « ne pas savoir s’il sera encore infirmier dans cinq ans ».

Pendant des semaines, tous les soirs à 20 heures, nous les avons applaudis à nos fenêtres. Pour leur dire notre reconnaissance, les remercier d’être là. C’était sympa, sans aucun doute. Mais la seule vraie façon de les aider, c’est encore de ne pas choper le Covid. Applaudir c’est bien. Respecter les gestes barrière c’est mieux.