Qui a le meilleur système de santé au monde ?

« La France, meilleur système de santé au monde » ! Ah ça, on en a parlé, de cette fameuse première place décernée par l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Et que je le proclame, et que je me rengorge, et que je donne des leçons à la terre entière (« je », c’est l’État français). Oui mais voilà. C’était il y a presque vingt ans, plus précisément en l’an 2000. Aujourd’hui, « je » déchante…

Car depuis lors, la France n’a cessé de baisser dans les classements mondiaux : 8ème ; 10ème, 15ème selon les organismes et les critères retenus. Le dernier en date nous vient de Bloomberg, analyste financier américain, et il recèle quelques surprises. Car figurez-vous que dans le Top 3 révélé hier, il n’y a aucun pays habituellement cité : ni le Japon, ni la Suisse ni la Suède n’y figurent – ils sont entre la 4ème et la 6ème place, dans cet ordre.

En revanche, on y trouve l’Islande, qui précède l’Italie qui elle-même arrive après… l’Espagne. Oui,oui, parmi les 169 pays étudiés par Bloomberg , c’est en Espagne que l’on trouve le meilleur système de santé au monde : elle gagne cinq places par rapport à 2017 et caracole loin devant l’Allemagne (23ème) qui en perd sept. Loin devant Cuba (30ème, première nation à revenus « non élevés ») et les États-Unis, à une pitoyable 35ème place.

Mais le plus intéressant, comme toujours dans ces palmarès par nature discutables, ce sont les critères pris en compte. En l’occurrence, Bloomberg en a retenu trois : des données cliniques (tension artérielle, taux de cholestérol…) ; des données épidémiologiques (mortalité, espérance de vie en bonne santé…) ; des facteurs de risques (consommation de tabac, d’alcool, activité physique etc.). Puis Bloomberg a comparé des paramètres économiques (pourcentage de dépenses de santé rapporté au PIB…). L’originalité de la démarche ? Elle réside dans le fait de relier tous ces résultats entre eux pour voir quel est le système le plus efficient, le plus « rentable » en quelque sorte.

Résultat : c’est bien l’Espagne qui obtient les meilleurs résultats. Parce que le coût par habitant reste raisonnable (plus que Singapour, mais moins que le Japon). Parce que l’espérance de vie est élevée. Et parce que l’alimentation est protectrice (régime méditerranéen) et l’activité physique encouragée. D’où, notamment, des taux de cancer et de maladies cardio-vasculaires particulièrement bas.

Bref, c’est tout le contraire ou presque de la France ! Chez nous, le coût par habitant approche les 5 000 dollars (contre 3 000 en Italie) et le reste à charge s’alourdit année après année.  Les mauvaises habitudes de vie pèsent lourd (tabac, mais surtout alcool, avec 41 000 décès par an). Et la mortalité néo-natale reste à des niveaux indignes d’un pays développé comme le nôtre. Résultat : nous ne sommes que 12ème dans le classement de Bloomberg. C’est deux places de mieux qu’en 2017. Mais cela reste largement perfectible.

S’il est un sujet au moins où la France pourrait s’inspirer de sa voisine, c’est bien dans le domaine de l’offre de soins. Malgré les difficultés économiques, l’Espagne a su en effet conserver une offre fondée sur un triptyque particulièrement cohérent : « les soins primaires sont essentiellement assurés par des prestataires publics », note l’Observatoire européen des politiques, qui précise que « 99,1% » de la population est couverte. En outre, les médecins libéraux sont en nombre suffisant, et les infirmières effectuent un travail indispensable de prévention, en particulier en direction des enfants et des personnes âgées.

Or, en la matière la France fait figure de très mauvais élève, puisqu’elle n’y consacre que 1,9% de son budget global, contre 2,8% en moyenne européenne et même 6% en Finlande. Avec des conséquences dramatiques : en Europe, la France est par exemple seulement 21ème sur 31 en matière d’hospitalisation évitable pour le diabète. Tout comme sont évitables de nombreuses dépenses, qu’elles soient liées à des examens redondants ou à des mésusages de médicaments. Et je n’insiste pas sur les interventions chirurgicales inutiles – comment, autrement, expliquer les différences ahurissantes d’un département à l’autre qu’il s’agisse de césariennes (deux fois plus en Haute-Corse que dans le Jura) ou du syndrome du canal carpien (six fois plus dans la Meuse qu’à La réunion) ?

Plus globalement d’ailleurs, c’est toute l’organisation des soins qu’il conviendrait de revoir. Les pistes sont connues, elles avaient d’ailleurs été détaillées dans le plan « Ma Santé 2022 » présenté à l’automne par Emmanuel Macron : meilleure coopération entre hôpital public et cliniques privées, meilleure entente entre généralistes et spécialistes, meilleure répartition des praticiens sur le territoire. Quitte à revoir le principe de liberté d’installation des libéraux pour lutter contre les déserts médicaux. Ou à déléguer certaines tâches à d’autres professionnels de santé – infirmières, kinés ou autres. Encore faudrait-il que les médecins l’acceptent. Et que les pouvoirs publics l’encouragent. C’est l’un des enjeux de la loi Santé annoncée récemment par Agnès Buzyn. Au vu de la levée de boucliers qu’elle a provoquée, la partie n’est pas gagnée…