Aider les aidants : « ma » solution


Toi, moi, vous : nous sommes aujourd’hui 8 millions de Français à être des « aidants ». Parents, enfants, voisins et amis, nous nous occupons d’une façon ou d’une autre d’un proche – personne âgée, en affection de longue durée, atteinte d’une maladie neurodégénérative (Alzheimer, sclérose en plaque, Parkinson…) handicapée physique ou mentale etc. Une « rencontre avec l’autre » essentielle, pour reprendre les termes d’Anne-Lyse Chabert, mais pas toujours facile à vivre. En moyenne, les aidants y consacrent 20 heures par semaine. Le plus souvent, ce sont des femmes, aux revenus modestes et avec peu de soutien de leur propre entourage. Leur état de santé s’en ressent (décès prématurés), leur moral également (épuisement, absence de vie sociale), leur travail aussi parfois – d’autant que cet engagement se fait sans contrepartie ni reconnaissance de la collectivité. D’où l’importance d’une mesure prévue noir sur blanc dans le programme d’Emmanuel Macron : le don de RTT entre collègues. Pour mémoire, la loi Mathis votée en 2014 permet à un salarié de bénéficier d’un don de RTT, mais uniquement pour un enfant de moins de 20 ans, « atteint de maladie, de handicap ou victime d’un accident grave qui rendent indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ». L’idée est donc la suivante : étendre le don de RTT entre collègues. Avec cette nouvelle loi, il suffirait qu’une entreprise créée un « pot commun » de RTT. Tout le monde pourrait y déposer, de façon anonyme, une RTT non prise – quelle qu’en soit la raison. Et tout salarié s’étant au préalable déclaré comme « aidant » pourrait y puiser selon des modalités à définir (nombre de jours, périodicité…) mais assez larges pour répondre au mieux aux besoins de chacun. Cette loi serait bien entendu incitative et non contraignante. Applicable aussi bien dans le privé (accord de branches, puis dans chaque société après discussions entre les partenaires sociaux) que dans le public (« taille » de la structure de référence définie par décret). Elle ne coûterait rien – les RTT, même non prises, restent un droit pour le salarié – et elle favoriserait un esprit de solidarité au sein de l’entreprise. Bref, elle est généreuse dans son esprit et facile à mettre en œuvre ! Soyons honnête : si je la défends de cette sorte, c’est aussi parce que je suis à l’origine de cette proposition. Il se trouve en effet que j’ai fait partie du petit groupe d’experts chargé de rédiger la plate-forme du programme Santé d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Parmi les priorités qui nous avaient été suggérées, il y avait entre autres la prévention, la réduction des inégalités de santé ou encore la protection des populations les plus fragiles. Or, les aidants participent justement à ces missions, quitte à en payer le prix sur le plan personnel. Pire : alors même qu’ils remplissent un rôle de santé publique, par leur engagement et leur rôle social, alors même qu’ils permettent d’économiser des frais importants (présence régulière, suivi et prévention), ils n’en retirent aucune satisfaction, fût-t-elle symbolique. Pour toutes ces raisons, j’ai défendu cette idée et je suis fier qu’elle ait été reprise dans le programme d’Emmanuel Macron. Je ne prétends pas qu’une telle mesure résoudrait toutes les difficultés – les non-salariés, indépendants, professions libérales et autres ne pourront pas en bénéficier. Je ne prétends pas non plus qu’elle remplirait ses objectifs à 100% – récemment, une aidant m’a rétorqué : « si tout le monde peut en bénéficier sans contrôle, certains en profiteront pour s’inventer une grand-mère Alzheimer ! ». Mais je suis sûr d’une chose : si cette loi est votée, un(e) aidant(e) pourra dire demain à son frère, son conjoint, son neveu ou autre : « Cela fait des mois que j’y consacre une partie de mon temps et de mon énergie. Toi aussi tu peux, de temps en temps, t’en occuper. Moi aussi je peux, de temps en temps, avoir une RTT pour moi. » Vous savez quoi ? Ce serait déjà une belle avancée. Et une vraie reconnaissance pour tous les aidants.