Les « bons » handicapés… et les autres

Je voudrais partager ici un moment d’émotion collectif que nous avons vécu durant le 27ème festival de communication que Deauville, à travers une de ces « speed vision » que j’évoquais dans un post précédent.

Ce moment, nous le devons à Anne Buisson, directrice générale adjointe de l’AFA (association François Aupetit), une association qui regroupe des patients atteints de la maladie de Crohn et de rectocolite hémorragique. D’abord parce qu’Anne Buisson a rappelé quelques évidences qu’il serait bon de garder à l’esprit lorsqu’on s’intéresse au rôle que peuvent jouer les malades et leurs représentants dans la prise en charge de leurs pathologies.

Celle-ci par exemple : « nous avons été, nous sommes ou nous serons tous patients un jour ». Celle-là également, que les médecins feraient bien d’intégrer une bonne fois pour toutes : « Si l’on veut que le patient soit autonome, il faut accepter le risque qu’il ne fasse pas ce qu’on lui demande ». A bon entendeur…

Mais surtout, Anne Buisson a raconté l’histoire de Bertille et cette histoire illustre parfaitement (et malheureusement) ce que peut vivre un handicapé au jour le jour.

Bertille a 27 ans. Elle est atteinte d’une rectocolite hémorragique, une affection qui lui pourrit le quotidien : une sorte de « gastro puissance 10 » permanente, entrainant douleurs abdominales insupportables, épuisement et aller/retour aux toilettes jusqu’à 15 fois par jour. Une affection qui limite voire empêche toute vie sociale, professionnelle ou même affective « normale ».

Bertille a donc droit, à juste titre, à une carte d’invalidité. Un jour, elle s’arrête en voiture sur une place réservée aux handicapés. Arrive un passant qui, la voyant sortir de son véhicule, lui reproche de se garer indûment à cet endroit-là. Agressif, véhément, il lui balance quelque chose du genre « vous devriez avoir honte ».

De fait, Bertille souffre d’un handicap que ne se voit pas, qui ne se devine pas. Devrait-elle avoir honte ? Sûrement pas. Mais Bertille n’a pas envie de s’expliquer, de se justifier, de raconter son histoire personnelle. Alors, pour donner le change, Bertille se met à boiter bas. Histoire d’avoir la paix. Histoire d’être considérée comme une « vraie » handicapée – ce qu’elle est. Et tant pis si elle en éprouve de la honte. Non pas celle d’avoir triché, d’avoir abusé, mais celle de mentir pour ne pas passer pour une menteuse. La honte, manifeste et insupportable, d’être malade mais de ne même pas pouvoir le dire.