Les Français disent oui au cannabis thérapeutique !
Va-ton voir fleurir des dizaines de coffee-shops en France ? Impensable il y a encore quelques années, la question n’a désormais rien d’incongru. Plusieurs enseignes ont déjà ouvert ici ou là, dont la dernière en date dans le 11ème arrondissement de la capitale. Réponse des autorités ? Silence radio total !
Avant que certains s’indignent (peut-être), il faut rappeler ce qu’est cette « herbe » vendue dans ces boutiques et donc expliquer au préalable le mécanisme d’action du cannabis. Schématiquement, le cannabis contient deux molécules différentes : le THC et le CBD. Le premier a un effet psychotrope, le second une action tranquillisante – dit autrement, l’un défonce, l’autre relaxe.
En France, la commercialisation de plants de chanvre et de leurs dérivés est autorisée dès lors que ceux-ci ont un taux de THC inférieur à 0,2%. D’où la vente officielle et légale de cordages, tissages et autre huiles naturelles. D’où, aussi, la mise sur le marché fin 2017 d’un liquide destiné aux amateurs de cigarette électronique contenant uniquement du CBD (ni THC, ni nicotine). Aujourd’hui, certaines boutiques le proposent plus ou moins discrètement sur leurs étagères, et quelques clics suffisent pour se le procurer sur Internet.
Mais l’ouverture de magasins vendant de l’herbe estampillée CBD constitue une nouvelle étape, car il s’agit là du produit « brut » en quelque sorte, ressemblant à s’y méprendre à de l’herbe « classique ». Ces commerces profitent donc de ce flou juridique pour rester dans la légalité et… entretenir la confusion sur les vertus réelles ou supposées du CBD.
De fait, de nombreux travaux scientifiques ont été réalisés ces trente dernières années sur cette molécule. Conclusion : le CBD a une action in vitro (au niveau cellulaire) sur certains cancers, mais aussi une efficacité clinique pour différents symptômes tels que douleur, anxiété, vomissements ou perte d’appétit – les témoignages abondent en ce sens, en particulier de la part de malades du sida.
Car oui, le cannabis thérapeutique est une réalité dans plusieurs États américains et aux Pays-Bas ainsi, à un degré moindre, qu’en Espagne, en Finlande ou en Italie. Lorsqu’on les interroge, les Français se déclarent d’ailleurs à une écrasante majorité (82%) favorables à un usage médical « sur ordonnance et pour certaines maladies », si l’on en croit une enquête Ifop auprès de 2005 personnes pour Terra Nova et ECHO Citoyen publiée hier. Quant à la dépénalisation, elle fait aussi son chemin dans la tête des sondés : 41% se prononcent pour cette évolution, alors qu’ils n’étaient que 26% il y a vingt ans.
Les Français sont d’ailleurs bien plus matures qu’« on » (nos responsables politiques notamment !) ne le pense sur ces questions. Selon ce même sondage Ifop, ils n’ignorent rien des conséquences négatives d’une consommation régulière de cannabis, que ce soit en matière de sécurité routière (93%), de scolarité (90%) et même de vie ce couple (76%). Mais pour autant, ils trouvent le cannabis moins dangereux que la cocaïne ou le tabac (7,8 contre 9,4 et 8,2 sur une échelle de 10) et d’un niveau comparable à celui de l’alcool (7,7).
En cela, les Français rejoignent l’avis des spécialistes en toxicomanie, ce qui constitue un phénomène relativement nouveau. Et comme ces derniers, ils sont 76% à juger la politique du « tout répressif » inefficace pour limiter la consommation. Intéressant de la part d’un pays où la loi de 1970 toujours en vigueur est l’une des, voire la plus sévère d’Europe. Où une personne sur trois (et une sur deux de moins de 35 ans) a déjà fumé du cannabis. Un pays où, surtout, la proportion de gros consommateurs est aussi l’une des plus élevées d’Europe : à 17 ans, 12,5% des garçons en consomment 10 fois ou plus par mois, et 5,6% en prennent tous les jours.
Autant dire que la logique de prohibition prônée par les pouvoirs publics a depuis longtemps fait la preuve éclatante de son échec. Et que là encore les Français semblent autrement plus matures que leurs élus. Y compris pour sanctionner par une simple amende la consommation. Y compris pour rembourser l’usage médical du cannabis – 56% des sondés y sont favorables.
Ca tombe bien : il existe justement un médicament à base de CBD, le Sativex, autorisé en France depuis 2014 pour le traitement de douleurs spastiques (crampes extrêmement douloureuse) dans la sclérose en plaques. Ca tombe mal : faute d’un accord sur le prix entre le fabricant et les autorités, le Sativex n’est toujours pas disponible. Alors, faut-il que le labo le mette sur le marché sans passer par la case Remboursement ? Ou que la Sécu accepte le prix demandé ?
Je n’ai pas la réponse mais je suis sûr d’une chose : en matière de santé publique, le gouvernement aurait tout à gagner à changer radicalement d’approche. Imposer par exemple un prix minimal par degré d’alcool comme l’a décidé l’Ecosse, et dépénaliser l’usage du cannabis comme l’a fait l’Espagne. Au lieu de ça, Emmanuel Macron se vante de « boire du vin midi et soir » et le gouvernement punit la consommation d’herbe comme un délit. Cherchez l’erreur.
Marc
L’ANSM a autorisé un test à grande échelle du cannabis thérapeutique en France, l’étude commencera en 2020 et se prolongera pendant 2 ans. Il va falloir donc être patient et les personnes qui pourront en bénéficier seront triées sur le volet car cela sera proposé pour certaines maladies uniquement (sclérose en plaque, cancer).