Vaccins: pourquoi les Français sont plus méfiants que les autres


Champions du monde ! Oui, nous sommes les champions du monde de consommation de médicaments. Champions du monde aussi en matière de méfiance vis-à-vis des vaccins. Champions du monde du paradoxe en quelque sorte… Selon une étude publiée récemment, près d’un Français sur deux juge en effet les vaccins « peu sûrs » – alors que leur fabrication n’a jamais été autant contrôlée – et même « peu efficaces » pour 17% d’entre eux – alors qu’ils ne l’ont jamais été autant.
D’où vient une telle méfiance ? Sans la justifier à tout prix, il faut bien reconnaître que certains facteurs « objectifs » contribuent à la nourrir.
Facteur sanitaire tout d’abord : c’est justement parce qu’ils sont très efficaces que les vaccins ont permis d’éradiquer en France de nombreuses maladies, les rendant du même coup moins redoutables – qui se souvient, aujourd’hui, de ces enfants paralysés par la poliomyélite ?
Facteur psychologique aussi : sur le plan collectif, le bénéfice de la vaccination a beau être incontestable, il est difficile à valoriser car il ne se « voit » pas. Sur le plan individuel, le risque d’effets secondaires a beau être très faible, il est difficile à justifier car il se voit trop !
Facteur scientifique enfin : l’emploi d’adjuvants, en particulier l’aluminium, est quasi systématique dans les vaccins car ils permettent de « booster » notre réponse immunitaire et donc d’augmenter leur efficacité. Pour autant, jamais les médecins ni les labos n’ont pris la peine de fournir des explications claires et convaincantes sur leur utilisation. Résultat : entre les interrogations légitimes des uns et la paranoïa galopante des autres, la suspicion gagne les esprits et les polémiques s’installent durablement. D’où le succès, prévisible mais désespérant, des forums anti-vaccination et des sites Internet accumulant les « preuves » des dangers de la vaccination.
Pour autant, ces facteurs-là se retrouvent dans la plupart des pays. Il y a donc une spécificité franco-française – étonnante, pour un pays réputé pour sa rationalité – et là-dessus, les autorités sanitaires feraient bien de s’interroger sur leur part de responsabilité.
Premier constat : le calendrier vaccinal officiellement appliqué en France est effroyablement compliqué. Entre les vaccins obligatoires, les non obligatoires mais « fortement recommandés », les applications « générales » et « particulières », celles pour les professions de santé et celles pour les voyageurs, plus personne ou presque ne s’y retrouve !
Deuxième constat : les politiques n’ont pas su (pas voulu ?) s’emparer de ce dossier délicat. Par légèreté, incompétence, bêtise, irresponsabilité – chacun choisira le terme –certains d’entre eux ont même aggravé la situation. Je songe à la généralisation, pour le moins hâtive et incompréhensible, du vaccin contre l’hépatite B dont j’ai déjà parlé dans un post précédent. Je songe aussi à la gestion calamiteuse de l’épisode de la grippe H1N1, aux centaines de millions d’euros engloutis et aux effets d’annonce inutilement anxiogènes, qui ont aggravé l’appréhension du grand public pour des campagnes de vaccination massives.
Troisième constat : une absence dramatique de pédagogie sur cette question. De la part du corps médical, qui a laissé certains « spécialistes » auto-proclamés (le Pr Joyeux et d’autres) raconter n’importe quoi avant de les sanctionner. De la part des labos, qui ont parfois privilégié le marketing au détriment des besoins réels de la population en imposant une sorte de « tout en un » (vaccins dits pentavalents, hexavalents) sans aucune alternative. De la part des pouvoirs publics enfin qui ont préféré lancer une « grande concertation citoyenne » (sic !) en janvier dernier plutôt qu’une campagne d’information, accréditant implicitement au passage l’idée qu’il pouvait y avoir de « bonnes » raisons de douter de l’utilité des vaccins.
Alors, cette méfiance croissante ne serait-elle au final qu’un simple « problème de riches » ? Sans doute – il n’est que de voir la confiance de nombreux pays pauvres dans les vaccins, confiance justifiée par leur efficacité. Mais un problème quand même : en 2011, on comptait encore 15 000 cas de rougeole en France, dont 6 décès. Six décès de trop.