Santé : les « mauvais élèves » punis par les assureurs ?


Ils sont malins chez Generali ! La proposition de l’assureur en complémentaire santé est en effet séduisante – presque inattaquable. Gratuite, destinée uniquement aux entreprises, fondée sur le volontariat (chaque salarié est libre d’y adhérer ou pas) elle offre, sur le papier, toutes les garanties d’efficacité et d’éthique possibles.
Concrètement, le salarié qui aura opté pour cette formule devra au préalable renseigner par un questionnaire en ligne certaines données personnelles : âge, poids, habitudes alimentaires, mode de vie, consommation de tabac ou d’alcool et autres. A partir de ces éléments, Generali lui envoie un bilan complet agrémenté de quelques recommandations pratiques – faire 10 00 pas par jour, passer des examens médicaux, manger davantage de fruits et légumes…
Si le salarié apporte la preuve qu’il a bien suivi ces conseils (baisse de poids, photocopies d’ordonnances, abonnement à un programme de prévention…) il cumule des points et bénéficie du même coup de réductions auprès d’enseignes partenaires telles que Décathlon ou le Club Med. Présenté par le directeur de Generali France, cela donne « un programme permettant à nos clients d’être acteurs de leur bien-être » sans contrepartie ni sélection préalable. `
A première vue, tout le monde y gagne. En adhérant au programme, le salarié bénéficie d’un suivi personnalisé et de « bons cadeaux » sous forme de rabais. En améliorant la santé de ses employés, l’entreprise diminue ses coûts (statistiquement, meilleure santé = moins de pathologies = moins d’arrêts de travail = moins de remplacements). En proposant des solutions adaptées, l’assureur peaufine son image de société « responsable ».
Du coup, on voit très bien le bénéfice, sur le plan individuel et collectif, qu’en retirerait une mutuelle sociale comme celle des fonctionnaires. On pourrait même envisager une approche similaire de la CNAM pour certaines pathologies chroniques. Prenons les diabétiques : on le sait, le risque d’amputation diminue fortement avec la pratique régulière d’une activité sportive. L’inscription à un club de randonnée, l’abonnement à une piscine municipale seraient alors en partie pris en charge par la CNAM au titre d’une « activité de prévention » validée par exemple.
D’où viennent alors mes réticences personnelles devant l’offre de Generali ? En réalité, elles ne viennent pas de ce que dit Generali. Elles viennent de ce que Generali ne dit pas.
L’accord avec les entreprises partenaires (Décathlon et autres) a probablement donné lieu à une forme de marge arrière. Generali ne le dit pas.
Prises une à une, les données collectées – poids, alimentation, antécédents médicaux…- peuvent sembler anodines. Reliées entre elles, elles prennent sens et dessinent un profil assez précis de l’individu et de son état de santé. Même anonymisées, elles permettent d’évaluer ses risques futurs ; elles ont donc, au moins potentiellement, une certaine valeur marchande. Generali ne le dit pas.
Que se passera-t-il par ailleurs si un salarié ment sur ses données ou triche sur ses résultats ? Ou si une entreprise pénalise ceux qui ne font pas –ou pas assez – d’efforts ? Generali ne le dit pas.
Enfin, la logique de ces contrats est celle du cercle vertueux, avec incitation positive et récompense pour les uns et absence de sanction pour les autres. Mais si demain 80% des salariés d’une entreprise en bénéficient, cela reviendra, de fait, à faire payer davantage les 20% restants. Generali ne le dit pas.
L’air de rien, Generali est en train d’expérimenter une nouvelle approche de l’assurance santé. Aujourd’hui, elle profite aux sportifs et aux bons élèves. Il ne faudrait pas que demain elle pénalise les malades ou les « déviants ».