La santé en 7 mns chrono : pari tenu !
C’était « the place to be » en matière de santé ce week-end : samedi, près de 800 personnes assistaient à la 2ème édition du « Futur de la santé » organisé par l’association S3Odéon, dans un théâtre bourré à craquer. L’idée ? Imposer à une trentaine d’orateurs la même contrainte : raconter, en sept minutes, sur scène et sans prompteur, sa vision de la santé.
Il y avait du beau linge parmi les intervenants. Côté médecins, les Prs Benabid, Dubois, Frydman, Jouannet notamment ; côté philosophes, chercheurs et autres, Françoise Barré-Sinoussi, André Compte-Sponville, Cynthia Fleury, Philippe Labro – pour ménager certaines susceptibilités, je les présente par ordre alphabétique comme dans le programme…
Ce que je retiens de cette journée d’échanges, au demeurant fort riches même si, à titre personnel, j’avais déjà entendu parler d’un certain nombre de présentations ? D’abord que l’exercice est périlleux. Pas facile en effet de tenir le timing – n’est-ce pas Pr Aubry, qu’Agnès Soubrier-Renard a dû rappeler à l’ordre au bout neuf minutes ? Pas facile non plus, dans notre culture française nourrie au format « thèse-antithèse-synthèse », d’aller à l’essentiel – la plupart des intervenants n’ont véritablement traité leur sujet que dans les deux dernières minutes.
Ce que je retiens également, c’est la proportion encore importante de médecins qui, au moins dans leur discours, accordent au patient une place secondaire, voire minime. Comme si, même s’ils s’en défendent, nombre de spécialistes voyaient dans le malade un organe plus qu’une personne dans sa globalité. D’où le contraste, saisissant, avec un Etienne Minvielle (docteur lui aussi) racontant avec émotion ses parents hospitalisés, le plafonnier allumé toute la nuit, les médicaments mal administrés, et finissant son intervention par une bise à sa maman présente dans la salle !
D’où, aussi, le contraste avec les non-médecins – Laurence Devillers, Isabelle Fromantin,Céline Lefève, Adeline Belloc surtout – qui ont incarné une approche plus humaine, plus vivante (j’ose le paradoxe) de la maladie et de ses conséquences.
Ce que je retiens enfin, c’est la difficulté extrême à se projeter dans le futur et à proposer une vision d’ensemble, tant notre système actuel manque de cohérence, soumis qu’il est à des exigences divergentes, parfois contradictoires. Comme l’économiste Christian Saint-Etienne, quelques-uns ont tenté le pari et offert à la salle de jolis moments de réflexion. A eux seuls, ils justifiaient cette journée passionnante.
Car c’est bien l’ensemble des interventions qui font sens, qui illustrent le caractère foisonnant, évolutif, nécessairement pluriel de la santé de demain. Mélange de technique et d’humain, de court et de long terme, d’économique et d’éthique, de médical et de non-médical, elle sera ce que nous en ferons, individuellement et collectivement.
Et pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’y participer, voici quelques phrases glanées ce week-end que je vous propose de partager.
« La technologie n’a d’intérêt que si elle redonne du temps à la relation médecin-patient » (Cécile Monteil, médecin et bloggeuse)
« Le patient est la ressource la plus mal exploitée du système de santé » (Etienne Minvielle, médecin et chercheur en santé publique)
« Devenir médecin, c’est accomplir une profonde transformation de soi » (Céline Lefève, philosophe et enseignante)
« La France doit passer de la notion de coût à celle de valeur ajoutée de la santé. Potentiellement, sa clientèle couvre la classe moyenne mondiale, soit 5 milliards de personnes » (Christian de Saint-Etienne, économiste)
« En moyenne, un médecin interrompt son patient au bout de 23 secondes de consultation » (Anne Revah-Lévy, pédopsychiatre)
« Eduquer, c’est donner ce qu’on n’a pas reçu » (Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste), et je préciserais pour ma part que donner ce qu’on a reçu, c’est transmettre.
« Plus la médecine progresse et plus elle produit des situations d’extrême vulnérabilité » (Régis Aubry, médecin de soins palliatifs)
« L’humanité n’est pas une maladie. Comment la médecine pourrait-elle nous en guérir? » (André Comte-Sponville, philosophe)