« J’ai une dizaine de copains en burn out »… le mépris en étendard

« J’ai une dizaine de copains qui disent qu’ils ont fait un burn out. Moi je ris sous cape ». Le tout, balancé avec un ricanement méprisant du genre « à moi, on ne le fait pas ».
C’était donc Eric Brunet tel qu’en lui-même le week-end dernier sur le plateau de Thierry Ardisson. Alerté par un tweet de Parlons RH, je suis allé regarder son intervention sur Internet. Et je n’ai pas été déçu.

Si encore ce polémiste (à l’instar d’un Eric Zemmour, je considère que ses interventions sur les plateaux télé relèvent davantage de la provoc que de l’exercice journalistique) voulait, de la sorte, signifier que le mot même de burn out est aujourd’hui galvaudé, pourquoi pas? De fait, l’expression est entrée dans le vocabulaire courant, avec tout ce que cela suppose d’affadissement d’une réalité pourtant terrible: on dit « je suis en burn out » pour « je suis crevé » comme on dit « j’ai une grippe » à la place de « j’ai chopé un virus ».

Mais là, rien de tel. Quelques minutes auparavant, Eric Brunet lance « Le burn out, c’est très sympa, très moderne […] un petit coup de fatigue, une espèce de sous dépression» (sic). Et un peu plus tard: « En une minute, on peut obtenir un arrêt de travail quand on a 25 ans et qu’on est en pleine forme […] il y a des gars que ça arrange ». Autrement dit: le burn out est une fausse maladie, une réaction de feignants qui profitent du système et refusent de travailler pour un oui pour un non.

Passons sur l’arrogance palpable de cet ultra libéral à l’encontre des « indulgents avec soi-même » (re sic) qui se laisseraient aller à la facilité d’un arrêt maladie. Passons sur la méconnaissance profonde qu’Eric Brunet témoigne vis-à-vis du monde du travail – a-t-il seulement été un jour, un mois ou un an soumis à la pression d’un chefaillon menaçant de le virer s’il ne se soumettait pas? Passons même sur cette approche idéologique qui voit « une tragédie » re re sic) dans le fait que les entreprises pourraient, un jour, indemniser les victimes d’un burn out.

En revanche, je ne supporte par ce dédain pour les petits, ce mépris pour les « faibles ». Je ne supporte pas non plus l’antienne de « la catastrophe des 35 heures » – sous-entendu : on ne bosse pas assez dans ce pays. Eric Brunet feint-il d’ignorer que la France est l’un des pays au monde où la productivité horaire est l’une des plus élevées , ou préfère-t-il le passer sous silence ? A cette morgue, j’opposerai une hypothèse: les Français sont très souvent attachés à leur travail, à leur métier, à leur entreprise même. Jusqu’à l’excessif parfois. Jusqu’à rechercher dans la hiérarchie une reconnaissance qui, malheureusement, n’est que rarement à la hauteur de l’engagement des salariés.

« Sympa », « moderne » le burn out? Pour oser ça, Eric Brunet ne l’a manifestement jamais connu. Tant mieux pour lui. Mais cela ne saurait l’exonérer d’un minimum de réflexion.