Grève des taxis : de quoi se moque-t-on ?


Commençons par le commencement : oui, les taxis sont utiles. Ils sont même nécessaires, indispensables pour transporter les 3 millions de patients qui, chaque année, les utilisent pour se rendre à l’hôpital ou chez un médecin. Oui, ils sont plus faciles à trouver qu’un VSL (véhicule sanitaire léger). Oui, ils coûtent beaucoup moins cher qu’une ambulance.
Ceci posé, la réforme de leurs tarifs proposée par l’Assurance Maladie est-elle infondée ? Justifie-t-elle un tel mouvement de protestation ? Va-t-elle les mettre en faillite ? Ma réponse est non. Explications.
Pourquoi cette réforme ?
Parce que les transports sanitaire coûtent une fortune ! Plus de 6 milliards et demi d’euros par an, dont 3 milliards pour les seuls 30 000 taxis conventionnés. Avec, surtout, une augmentation aussi faramineuse qu’excessive : près de 50% depuis 2019 (et 70% dans certains départements), 9% rien qu’entre 2022 et 2023. A eux seuls, le vieillissement de la population et le développement des malades chroniques ne suffisent pas à justifier cette explosion des dépenses.
Deuxième raison avancée par l’Assurance Maladie : le système actuel est illisible, avec des dizaines de modes de rémunération différents selon les critères retenus. Et une répartition des taxis trop hétérogène sur le territoire national : 40 taxis pour 100 000 habitants dans 17 départements, mais plus du double (98) dans 13 autres départements. Pour réduire ces écarts, le conventionnement ne sera dorénavant plus automatique et il faudra entre autres réaliser l’essentiel de ses courses dans le département.
Troisième raison : ce même système actuel favorise n’incite pas les taxis à multiplier les courses puisque le transport à vide du retour est rémunéré, et que le temps d’attente sur place est facturé au tarif « C », soit le double de celui des courses au tarif « A ».
Quelles sont les nouvelles règles ?
Sous une apparente complexité (n’en demandons pas trop à l’Assurance Maladie !) elles sont objectivement plus claires pour tout le monde. A savoir, un tarif unique de 13 euros de prise en charge sur tout le territoire, puis c’est le tarif kilométrique habituel qui s’applique.
A ce tarif de base s’ajoutent plusieurs majorations possibles : 50% en nuit, week-end et jours fériés ; 30 euros pour les personnes à mobilité réduite dans un véhicule adapté, et enfin 15 euros de forfait supplémentaires dans les grandes villes pour compenser les encombrements habituels. Tout le monde suit ? …
Autre nouveauté, le transport partagé. Dorénavant si le médecin le mentionne sur son ordonnance, le patient sera tenu de prendre le taxi avec quelqu’un d’autre. Le tarif sera diminué de 23% pour chacun et le chauffeur, lui, verra sa course augmenter de 50%. En cas de refus, le patient devra avancer les frais et il sera remboursé sur la base du tarif du transport partagé. Vous suivez toujours ? …
Enfin, les taxis seront géolocalisés au plus tard en 2027. Parmi les raisons avancée par l’Assurance Maladie, le montant élevé des fraudes aux transports sanitaires : près de 30 millions d’euros, rappelait son directeur Thomas Fatôme récemment. Un exemple parmi d’autres : en janvier dernier, le gérant d’une société basée dans les Yvelines a été mis en examen et écroué pour avoir surfacturé certaines courses et en avoir carrément inventé d’autres pour un montant de … 2,4 millions entre 2021 et 2024.
Gagnants ou perdants ?
Certains taxis, en particulier ceux qui, dans les zones rurales, réalisent 40% de leur chiffre d’affaires voire plus en transports sanitaires hurlent à la faillite annoncée. Dans les grandes villes, d’autres jurent qu’ils vont arrêter cette activité et que les patients vont en être lésés. Saluons d’ailleurs leurs talents de communication pour se poser à la fois en victimes et en défenseurs des patients auprès des médias.
De son côté, l’Assurance Maladie estime qu’avec cette réforme les 2/3 des taxis sont bénéficiaires et que pour l’être également les autres n’auront qu’à renoncer aux transports à vide. Et elle rappelle au passage que près de 20 réunions ont eu lieu avec les syndicats de taxis avant d’annoncer cette réforme.
Une chose est sûre en tout cas : l’objectif affiché est une économie de 300 millions sur trois ans pour l’ensemble du transport sanitaire. Cela peut sembler beaucoup. Mais ce n’est jamais que 2% du total des dépenses, bien modeste au regard des enjeux. Hier, dans un rapport au vitriol, la Cour des Comptes alertait sur une « trajectoire hors de contrôle » et même une possible « crise de liquidités » – en clair, le risque réel pour l’État de ne plus être en capacité de financer les prestations sociales.
Une autre chose est sûre : face au mouvement de grogne et au blocage des villes par les taxis, les politiques ne brillent pas par leur courage. Non content de désavouer l’Assurance Maladie et ses dirigeants Thomas Fatôme et Marguerite Cazeneuve, François Bayrou a promis ce week-end « de retravailler les décisions, les mesures et les orientations » alors que c’est lui qui avait fixé la feuille de route et exigé des économies pour boucher le trou abyssal de la Sécu.
Et que dire du LR Laurent Wauquiez ou du socialiste Oliver Faure ? Le premier apporte « tout son soutien » aux taxis, le second demande « un moratoire sur la mise en œuvre ». L’un et l’autre s’alarment publiquement du déficit budgétaire actuel. Dénoncent des dépenses inutiles. Tout en refusant par principe toute hausse d’impôts. Vous avez dit démagogue ?
Jean-Pierre LAGUENS
Bonjour,
Une phrase n’est pas claire, sans doute due à un oubli de mot ou à ce que vos neurones ont pris un temps d’avance sur vos doigts sur le clavier ( ça m’arrive aussi, vous avez donc toute ma sympathie (;-)).:
« Troisième raison : ce même système actuel favorise n’incite pas les taxis à multiplier les courses puisque le transport à vide du retour est rémunéré, et que le temps d’attente sur place est facturé« «
On devine à peu près le sens …
Pourquoi ai-je l’impression d’un refrain connu: On combine un financement socialisé , alimenté en amont avec des taxes, des cotisations etc. avec des effecteurs autogestionnaires (alias « libéraux « ) ;
Et FORCÉMENT ça grince un peu, beaucoup de temps en temps
Merci en tout cas de ce point de situation…
Jeep
VINCENT OLIVIER
Bonjour,
Merci pour ce commentaire ! Je voulais juste dire qu’un taxi a intérêt à faire de très longues courses, donc chronophages, plutôt que de nombreuses petites puisqu’il est rémunéré de toute façon soit en temps d’attente soit en retour à vide. En espérant avoir été plus clair … Merci encore et bonne journée