Les garagistes mieux formés que les médecins ? …

« C’est bien simple : si on ne se forme pas aux nouvelles technologies tous les cinq ans au minimum, professionnellement on est mort ! »

Être garagiste et balancer ça devant des médecins qui, forts de leur quinze ans d’études n’ont, pour une large partie d’entre eux, jamais réactualisé leurs connaissances depuis, fallait oser ! C’est ce qu’a fait Robert Bassols à CHAM, et je peux vous dire que ça en a secoué certains.

CHAM, c’est un peu le « Davos » de la santé français. Créé par l’urologue Guy Vallancien en 2009, cet événement rassemble chaque année les 500 personnes qui comptent dans le secteur – professionnels, décideurs, experts, industriels, politiques etc. Robert Bassols, c’est le président de la Fédération nationale de l’automobile, qui regroupe garagistes, réparateurs, écoles de conduite etc.., soit 150 000 entreprises et plus de 450 000 salariés. Et l’auteur de ce post, c’est celui qui a interviewé Bassols ce jeudi à CHAM.

Médecins d’un côté, garagistes de l’autre. A priori, deux mondes que tout oppose. Deux mondes qui ont pourtant au moins un point en commun : se confronter à des progrès technologiques constants, et même à une véritable révolution ces dernières années. Véhicules hybrides ou électriques, batteries au lithium, électronique embarquée chez les uns, imagerie en 3D, thérapies géniques, intelligence artificielle chez les autres.

Eh bien, croyez-le ou non, les plus réfractaires au progrès ne sont pas ceux que l’on croit ! Chaque année en effet, on ne compte pas moins de 100 000 salariés qui bénéficient d’une formation continue dans l’automobile, soit entre un quart et un cinquième des effectifs (en 2019, ils étaient « seulement » 85B 000). Financée pour une part par l’État et pour une autre par les fonds d’entreprises, cette formation est prise en charge en grande partie puisqu’elle ne coûte au final que 200 euros environ par salarié.

Les jeunes, c’est-à-dire « les moins de cinquante ans » comme les qualifie aimablement Robert Bassols, sont évidemment les plus enthousiastes. Les artisans aussi, en tout cas davantage que les employés des grosses boites. Mais même les autres se plient à cette remise à niveau, puisqu’ils n’ont guère le choix s’ils veulent pouvoir continuer à travailler.

Robert Bassols pointe au passage une conséquence inattendue et intéressante de la « sur-formation » : « Certains ont tendance à trop faire confiance à la machine. Ils se précipitent sur leurs boitiers et branchent leurs fils sans attendre, obsédés par l’envie de faire un diagnostic. Alors que dans la plupart des cas il suffit de parler avec le client, et éventuellement faire tourner le moteur, pour connaitre l’origine de la panne. L’électronique c’est utile mais rien ne remplace l’expérience. »

Le parallèle avec la médecine est évident. Un bon professionnel, c’est de l’écoute, du savoir, de la compétence et de la pratique. Alors, pourquoi une telle réticence chez le corps médical ? Les réponses sont multiples et pas toujours rationnelles. Il y a d’abord le manque de temps – ou, plus exactement, des journées déjà surchargées et psychiquement éreintantes. Il y a aussi le manque d’incitation à le faire – ou, plus exactement, l’absence de sanctions y compris dans des spécialités où les avancées techniques sont quasi continues et modifient radicalement la prise en charge des patients. Il y a enfin, l’idée bien ancrée chez certains que les quinze années d’études sont déjà trop longues, et la sélection du concours si sévère qu’à la sortie ils sont forcément d’excellents professionnels. A vie qui plus est.

Mais à se contenter de leur savoir chèrement acquis, à refuser toute nouvelle formation, à ignorer les bouleversements qui s’annoncent avec l’intelligence artificielle, ces professionnels de santé prennent des risques. Celui de ne pas bénéficier des progrès facilitant leur exercice. Celui d’être demain dépassés par des technologies plus performantes qu’eux. Celui, plus grave encore, d’imposer à leurs patients une réelle et dommageable perte de chance.