Coronavirus : stop au grand n’importe quoi !

Alors que l’épidémie du coronavirus arrive en France – et que les autorités sanitaires tentent tant bien que mal de faire preuve de transparence sans provoquer la panique, ce qui n’est pas simple – c’est une autre épidémie qui se développe en parallèle cette semaine. Une épidémie de « grand n’importe quoi ». Petit florilège observé ces dernier jours, malheureusement non exhaustif.

« Il faut fermer les frontières ». Cette proposition, relayée par de certains politiques au premier rang desquels Marine Le Pen, est absurde, inutile et contreproductive. Absurde, car il est techniquement impossible à mettre en œuvre – sauf à arrêter les trains en rase campagne, à barrer toutes les routes possibles et à détourner les avions dans le ciel. Inutile, car elle n’empêchera pas les contaminations dues à des personnes déjà malades et résidant en France. Contreproductive, car elle ne ferait qu’aggraver une crise économique déjà bien entamée.

« Ce serait une faute médicale de ne pas donner de chloroquine contre le virus chinois ». Voilà plusieurs jours Didier Raoult, un chercheur spécialiste des maladies infectieuses à Marseille, se répand dans les médias avec une « super bonne nouvelle », à savoir l’efficacité de cette molécule (plus connue sous le nom de Nivaquine) « extrêmement sûre » et efficace contre le coronavirus.

Tant pis cette efficacité a été prouvée « in vitro » (dans un tube à essais) et non pas « in vivo » (dans la vrai vie). Tant pis si cette molécule a des effets secondaires potentiels graves, voire mortels. Tant pis si les autorités sanitaires ont réclamé avec raison des études plus poussées. Le spécialiste auto-proclamé n’en démord pas : sa solution est « simple et efficace ». Un dernier détail : pour la seule année 2013, Didier Raoult a co-signé 185 publications scientifiques. Ce qui fait de lui un surhomme. Ou un homme obsédé par la notoriété.

« Dans l’hypothèse où {un médecin} serait contaminé par le virus, l’État doit s’engager à le protéger {…} afin que la mise en quatorzaine de ce dernier ne soit pas préjudiciable à son activité professionnelle ». Ce communiqué de la CSMF, l’un des principaux syndicats de médecins spécialistes, en dit long sur les préoccupations essentielles affichées par certains professionnels de santé. Que ces derniers ne s’étonnent pas, ensuite, de la mauvaise image colportée dans les médias d’un syndicalisme corporatiste et pour tout dire rétrograde.

« Ce gouvernement fait exprès de laisser entrer le virus en France. Comme il y a une crise des gilets jaunes et des manifestations, il espère qu’avec ce virus tout cela va s’arrêter ». Je n’ai pas inventé ce tweet, je l’ai lu et je me dis que les complotistes et autres paranoïaques ont encore de beaux jours devant eux. Le drame, c’est que ces tweets se partagent et se repartagent jusqu’à devenir vérité absolue, quitte à nier l’évidence scientifique. On a vu, dans un passé récent, les conséquences gravissimes en matière de santé publique de telles contrevérités. Un exemple parmi d’autres : en répétant que l’obligation vaccinale est due au lobbying de l’industrie pharmaceutique, les antivax ont provoqué le retour de la rougeole en France et dans le monde. Bilan : des dizaines de morts « pour rien ».

« Pour passer à travers le coronavirus, il faut changer de mode de vie ». La solution ?  Adopter par exemple le jeûne séquentiel ! Le Dr Frédéric Saldmann, auteur de best-seller dont le dernier est sorti fin janvier (« On n’est jamais mieux soigné que par soi-même », chez Plon) n’est sûrement pas le seul à affirmer qu’une bonne hygiène alimentaire est un facteur potentiel de protection contre certaines maladies. En l’espèce, il eût mieux valu se contenter de parler d’hygiène tout court, et de rappeler qu’un lavage des mains régulier et l’usage de mouchoirs jetables constituent un des meilleurs moyens possibles de limiter la transmission d’un virus tel que le Covid-19.

Je pourrais ajouter bien d’autres illustrations des dérives provoquées par l’apparition du coronavirus. Mais je me contenterai de mettre en perspective cette épidémie d’un côté et quelques constats épidémiologiques de l’autre. Voilà donc un virus qui a fait deux morts au 28 février en France, mais qui sature les médias depuis plusieurs jours, au point d’éclipser tout autre événement national, des élections municipales au procès de François Fillon, et même international – je songe ici au drame humanitaire en Syrie, avec 900 000 personnes déplacées et des milliers de civils tués.

Reprenons : à supposer que (et on en est encore loin) le coronavirus tue, chaque jour, dix personnes pendant toute une année, cela ferait un total de 3650 décès sur douze mois. Je ne nie pas le drame humain individuel, ni les conséquences économiques du coronavirus à l’échelle mondiale. Mais enfin, d’un point de vue strictement comptable et sanitaire, ces 3650 décès (potentiels), c’est en France l’équivalent, en mortalité rapporté sur une année, à

Quatre mois de suicides.

Trois mois de grippe.

Un mois d’alcool.

Deux semaines de tabac.