Qui est Olivier Véran ?

Payer aux urgences un forfait… pour ne pas prendre en charge les patients et les renvoyer chez un généraliste ! L’amendement du député Olivier Véran avait fait ricaner les uns et scandalisé les autres. Maintenant qu’il est ministre, Olivier Véran osera-t-il le mettre en œuvre ? Je reviendrai tout à l’heure sur cette idée, plus maligne qu’il n‘y paraît.

Mais je voudrais au préalable partager ici quelques réflexions sur la nomination du nouveau ministre de la Santé et de la Solidarité. Pour constater d’abord qu’il possède plusieurs points communs avec Agnès Buzyn. Comme elle, Olivier Véran est issu de la société civile. Comme elle, il est médecin. Comme elle, il est spécialiste et il exerce à l’hôpital – en l’occurrence dans le service de neurologie au CHU de Grenoble pour Olivier Véran. Voilà qui devrait rassurer les défenseurs de l’hôpital public…

Pour autant, même si je ne connais pas personnellement Olivier Véran, je l’ai croisé à plusieurs reprises dans des colloques et autres manifestations diverses. Et je peux témoigner qu’il se distingue d’Agnès Buzyn en ce qu’il fait partie de cette nouvelle génération d’hospitaliers, jeune (il a 39 ans), impliquée dans les combats politiques (il a été en 2008 président de l’ISNI, le syndicat des internes, et réélu député en 2017) et consciente de « l’évolution de son métier, sous le coup des contraintes médico-économiques, au fil des réformes de gouvernance appliquées aux grands pôles hospitaliers » comme il le disait à l’Assemblée Nationale dans une question orale posée en décembre 2017 à… Agnès Buzyn.

Mais surtout, ce qui me frappe à la lecture des 29 propositions de loi déposées par Olivier Véran depuis 2017, c’est sa vision éclectique du rôle d’un député et l’approche très large qu’il a de la santé publique. Qu’on en juge : parmi ses thématiques de prédilection, on trouve l’usage du téléphone portable au collège, les violences conjugales, la lutte contre les fake news (et notamment les fake méd.) ou la prévention de la maladie de Lyme. Sans oublier l’amélioration de la couverture sociale des Chibanis (travailleurs du Maghreb arrivés dans les années 60 et restés en France) ou encore la suppression de l’impression des tickets de caisse dans les supermarchés !

Et puis, il y a donc cet amendement qui a fait tant parler de lui… Déposé en octobre 2018, il vise à instaurer une incitation financière pour réorienter les urgences vers les soins de ville. Concrètement, si l’hôpital parvient à trouver une consultation le jour même ou le lendemain chez un médecin (généraliste ou spécialiste) ou dans une structure de type maison médicale de garde, il toucherait alors un forfait par patient dans une fourchette de 20 à 60 euros, et qui pourrait par exemple être fonction du temps passé à trouver un praticien disponible.

Interrogé à l’époque par France Info, Olivier Véran était on ne peut plus clair sur la finalité de ce texte : « On paye l’hôpital pour qu’il ne soigne pas lui-même, mais qu’il coordonne le parcours de soins ». Avec à la clé un objectif ambitieux : faire sortir, chaque année, 6 millions de patients (sur un total de 23 millions) des services d’urgences en les envoyant vers la médecine libérale. Cette proposition a, on s’en doute, fait hurler une bonne partie des professionnels de santé. Les syndicats de praticiens bien sûr, se gaussant à l’idée de payer l’hôpital pour une mission qu’il ne remplit pas ; les syndicats hospitaliers ensuite, CGT en tête, dénonçant un énième renoncement aux missions de service public dévolues à l’hôpital.

Pourtant, à y regarder de plus près, je trouve cette suggestion tout à fait pertinente. D’abord, parce qu’elle part du principe de réalité : il ne suffit pas de déplorer qu’une part importante des arrivées aux urgences (20 à 30% selon les rapports officiels) pourrait être évitée. Faute d’une solution de remplacement, ce constat ne débouche sur rien, sinon à culpabiliser inutilement ceux qui s’y rendent. La proposition d’Olivier Véran a au moins le mérite de proposer une alternative concrète. Elle a également le mérite de mettre « les pieds dans le plat ». En mettant la médecine libérale face à ses responsabilités. En reposant la question récurrente de la permanence des soins. Et en pointant le coût caché d’un passage aux urgences, à savoir la multiplication d’examens parfois superflus, souvent redondants.

Je n‘entrerai pas ici sur les raisons, bonnes ou moins bonnes, économiques ou médicales, de cette dérive. Mais toute personne qui s’est un jour rendue aux urgences en a fait l’expérience : entre prises de sang, radios, scanners et/ou analyses biologiques, on a droit en général à « la totale ». Quitte à y passer des heures supplémentaires – et à faire tourner les machines, et donc à faire gonfler les frais de la Sécu. Pour toutes ces raisons, je soutiens l’initiative d’Olivier Véran. Je sais bien qu’elle ne règlera pas à elle seule les problèmes de l’hôpital public, englué dans des difficultés de très court terme (recruter du personnel, augmenter les salaires) et de très long terme (redonner du sens à la mission de soins, mieux organiser la complémentarité avec le secteur privé). Mais ce serait un premier pas.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas beaucoup de temps pour trouver vos marques et imprimer la vôtre. Les défis sont immenses, les attentes également. Puissiez-vous être à la hauteur de ces enjeux de santé publique. Tout le monde y gagnera.