Pourquoi le secret medical sera (finalement) preservé !

C’est une vraie bonne nouvelle. Contrairement à ce qu’on a pu craindre un moment, le secret médical restera préservé dans le cadre de la lutte contre le Covid 19. Mais jusqu’à ce week-end, la partie n’était pas gagnée…

Rappel des faits. Pour ceux (les malheureux) qui n’auraient pas lu mon dernier post consacré au traçage des patients Covid +, voici un petit résumé du dispositif qu’avait imaginé le gouvernement : en cas de diagnostic positif, le médecin était invité à recueillir les coordonnées du patient, à identifier les possibles « cas contact » (toutes les personnes côtoyées jusqu’à 48 heures avant les premiers symptômes) et à envoyer le tout à l’Assurance Maladie et à l’Agence régionale de santé. A charge pour elles de contacter ces personnes pour leur proposer un diagnostic et/ou une prise en charge adaptée.

Le problème, c’est que le recueil des informations pouvait se faire même sans que les patients donnent leur consentement. Et sans que l’anonymat des données soit assuré. En d’autres termes, ce mécanisme signait la fin du secret médical et la fin de la relation de confiance entre un médecin et son patient. Avec, en contrepartie, une « super consultation » à 55 euros (remboursée par la Sécu à 100%).

Et comme si cela ne suffisait pas, les pouvoirs publics avaient en outre prévu une incitation financière un peu particulière … deux euros supplémentaires par contact identifié, et encore deux euros de plus si le praticien fournissait ses coordonnées ! Une aumône – ou une carotte si l’on préfère – aux relents assez sordides.

Bref, même paré des meilleures intentions au monde ce dispositif était mal pensé sur le plan déontologique, moral et éthique. Voire choquant.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Toute la journée de vendredi, de nombreux internautes ont exprimé leur désapprobation sur les réseaux sociaux et appelé au boycott des consultations. Certains sont allés jusqu’à parler de vol de données, d’espionnage numérique, de puçage électronique et j’en passe. En face, quelques voix se sont élevées pour rappeler que ce dispositif existait déjà depuis des années et qu’il avait fait ses preuves. De fait, les « maladies à déclaration obligatoire » (MDO) sont au nombre de 34 et leur surveillance systématique a deux objectifs : mieux connaître l’épidémiologie d’une maladie (VIH, Hépatites…) et limiter la transmission d’un patient à un autre (rage, listériose …).

Par ailleurs, et c’est important de le rappeler, le dispositif des MDO est éthique parce qu’il est anonymisé ; il sauve des vies parce qu’il permet d’identifier très vite les personnes contact ; et, enfin, il ne donne lieu à aucune rétribution puisqu’il est obligatoire.

En d’autres termes, le système des MDO ne vise pas à « fliquer » les Français. Il protège et il assure une mission de service public. Y participer, c’est donc faire preuve de civisme.

Sauf que le dispositif envisagé pour le Covid n’entrait pas dans ce champ des maladies à déclaration obligatoire et, partant, n’en respectait pas les principes. Du coup, et malgré les bonnes intentions des pouvoirs publics , le résultat lui s’est révélé plutôt contre-productif. Des associations de patients comme celle des diabétiques ont clamé leur opposition et demandé à leurs adhérents de les relayer. Des médecins ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à ce qu’ils considéraient comme un dévoiement de leur profession.

Il faut croire qu’Olivier Véran et l’Assurance-Maladie ont entendu ces protestations justifiées,  car le texte de loi tel qu’il a été voté samedi prend en compte ces observations.

En effet, au final les données recueillies par les médecins ne comporteront ni le nom, ni l’adresse ni le numéro national d’identification. Elles seront donc bien anonymisées, et du coup, comme pour les MDO, la question du consentement des patients n’est plus un sujet puisqu’ils ne seront pas identifiables. Par ailleurs, toutes les personnes qui auront accès à ce ficher devront respecter le secret professionnel, faute de quoi elles risquent un an de prison et 15 000 euros d’amende.

Dernier point : dans la nouvelle mouture du texte de loi, il est indiqué que « la collecte de ces données ne peut faire l’objet d’une rémunération liée au nombre et à la complétude des données recensées pour chaque personne enregistrée ». Je traduis en français, pour ceux qui ne parlent pas la novlangue administrative : pas de carotte financière, pas d’euros en plus par cas contact transmis !

Alors certes, on peut trouver quelque peu bancale la solution retenue par le gouvernement, avec une maladie qui ressemble à une MDO (anonymisation des données) mais qui n’en pas formellement une. La raison en est que cette consultation est plus longue plus complexe qu’une consultation ordinaire et qu’elle est donc forfaitisée à 55 euros – alors qu’une MDO ne donne pas lieu à une rémunération spécifique. Vous avez sais la subtilité ?…

N’empêche : le cadre juridique et légal de cette loi, telle qu’elle est désormais rédigée,  respecte à la fois l’éthique médicale et les préoccupations de santé publique. Et c’est bien là l’essentiel.