Les Français plébiscitent leurs infirmières
Guy Vallancien doit être content ! Cela fait des années que le créateur de CHAM se bat pour que les infirmières aient davantage de responsabilités. Et voilà qu’un sondage confirme que les Français y sont également favorables – à une très largement majorité même. Reprenons.
CHAM, c’est un peu le « Davos de la santé » française qui se tient depuis dix ans à Chamonix, et où j’ai eu le plaisir d’animer la semaine dernière une table ronde consacrée aux territoires de santé. Le sondage en question, c’est l’enquête Ipsos menée dans six pays européens dévoilée à cette occasion. Et le combat de Guy Vallancien, c’est celui des « délégations de compétence ». Une formule bien techno, mais qui repose sur un postulat à la fois ambitieux et séduisant : si chaque acteur de soins monte en expertise et en qualification, c’est l’ensemble du système qui en bénéficiera. Et, donc, l’ensemble des usagers de santé.
Des exemples concrets ? Une aide-soignante pourrait effectuer certaines tâches dévolues aux infirmières (prendre la tension) ; un pharmacien, celles dévolues aux médecins (pratiquer des vaccinations) : un généraliste, celles dévolues aux spécialistes (lire un électrocardiogramme d’effort). Bref, il suffirait que chacun accepte de « lâcher » une partie de son pré-carré et se concentre sur ce qu’il sait faire de mieux pour que tous gagnent en professionnalisme. Mais ça, c’est sur le papier. Car dans la réalité « ça » renâcle de bien des côtés, sur le mode « ce qui est à moi reste à moi et ce qui est à toi est négociable » – comme ces syndicats de médecins hurlant à l’idée que des pharmaciens délivrent des médicaments sur ordonnance sans ordonnance...
Un archaïsme d’autant plus regrettable qu’à en croire les personnes interrogées par Ispos, cette délégation de compétences est largement plébiscitée par les Français. Ainsi, 82% d’entre eux sont favorables à qu’une infirmière prescrive des analyses médicales et des radiographies. C’est plus que la moyenne européenne (70%), et beaucoup plus que l’Allemagne (56%). Même enthousiasme à ce qu’elle prescrive des traitements médicaux « pour des soins courants » : les ¾ des français disent oui, contre les 2/3 des Européens et la moitié seulement des Italiens. Et c’est oui encore à la possibilité de réaliser de petits actes chirurgicaux pour 57% des Français (dont 22% de « tout à fait d’accord », le chiffre le plus élevé de toute l’Europe).
Ca tombe bien : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a justement décrété 2020, « année des infirmières », a rappelé Agnès Buzyn lors de cette édition de CHAM. Interrogée par Guy Vallancien, la ministre de la Santé a d’ailleurs vanté la montée en charge des « IPA » (pour « infirmière en pratiques avancées ») à l’hôpital, et promis que ces IPA arriveraient « prochainement » dans les services d’urgences.
Signe d’apaisement, message politique envoyé aux personnels soignants ? Agnès Buzyn a tenu à ajouter qu’à l’hôpital justement, on était « allés trop loin dans la gouvernance » et qu’il fallait dorénavant « se recentrer sur les projets médicaux et pas sur les priorités administratives ou financières ». Une chose est sûre en tout cas, c’est que dès qu’il s’agit de préserver notre système de santé, les Français se sentent concernés et ils sont prêts à endosser leurs responsabilités. La preuve : deux personnes sur trois accepteraient de faire partie d’un conseil d’administration d’un établissement de soins. Sur toutes ces questions, les citoyens sont donc bien plus ouverts que ne le clament les médecins. Et bien plus matures que ne le pensent les décideurs. Il serait temps d’en prendre acte.