L’accouchement, c’est na-tu-rel !

« Chez une femme enceinte en bonne santé, le déroulement de l’accouchement doit être considéré comme normal aussi longtemps qu’il n’y a pas de complication ». Faut-il vraiment rappeler ce qui peut sembler une réflexion de bon sens, une évidence même – au moins aux yeux des femmes ? Eh bien oui !

La preuve : la Haute Autorité de Santé (HAS) vient de publier une série de recommandations avec fiches mémo et conseils pratiques sur le sujet. « Une première », précise-t-elle au passage, justifiée par le fait que « l’accouchement se caractérise aujourd’hui par un niveau de technicisation et de médicalisation élevés, quel que soit le risque obstétrical ». Traduit en langage courant : en France, la naissance n’est pas considérée comme un phénomène naturel. Et tant pis si l’immense majorité des 800 000 femmes accouchent chaque année sans complications particulières, tant pis si la plupart des pays européens acceptent, voire encouragent, l’accouchement à domicile. « Chez nous », la naissance reste trop souvent une question de spécialiste, une affaire de pro avant d’être un moment intime de la vie d’une femme et/ou d’un couple.

Du coup, les recommandations de la HAS prennent une saveur toute particulière. Et mieux vaut les regarder avec un œil détaché, faute de quoi il y aurait matière à s’inquiéter… Quand elle demande d’éviter de « multiplier les touchers vaginaux », doit-on comprendre que certains s’y adonnent sans limite ? Quand elle propose une péridurale « sans limite de dilatation minimale exigée », doit-on déduire que des médecins s’arrogent le droit de décider, à la place des femmes, si et quand elles peuvent avoir cette péridurale ?

A propos de douleur justement, la HAS rappelle à juste titre qu’elle doit être évaluée dès le début du travail, et que le personnel doit proposer tous les moyens disponibles de la soulager – Autrement dit, la femme n’a pas à les réclamer, et encore moins à insister pour les obtenir. Y compris pour des prises en charge ayant selon la HAS un « faible niveau de preuves » mais dont « la plupart semblent inoffensives » (sic !). Relaxation, acupuncture, hypnose, immersion dans une eau tiède… Partant du principe que « si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal », la HAS admet (enfin ! serait-on tenté de dire) qu’en définitive, c’est bien la personne concernée qui sait ce qui lui convient.

On pourrait multiplier les exemples en la matière : oui, il faut laisser la femme « pousser de la manière qui lui semble la plus efficace » et « adopter la posture qu’elle juge la plus confortable » ; oui, il faut « s’enquérir de (ses) souhaits et de (ses) besoins physiologiques ». Quant à l’expression abdominale, une technique barbare qui consiste à appuyer fortement sur le ventre pour faciliter l’expulsion, la HAS est claire : c’est non ! Autant en raison des complications possibles que pour le « vécu traumatique des femmes et de leur entourage ».

Un dernier mot sur l’épisiotomie, cette petite incision chirurgicale du périnée censée éviter toute déchirure au moment de la naissance. Redoutée par les femmes en raison des douleurs parfois durables qu’elle provoque, dénoncée l’été dernier par Marlène Schiappa, l’épisiotomie est, de fait, largement pratiquée en France.

Le problème, c’est que les chiffres avancés à l’époque par la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes ont été depuis réfutés par la société savante des gynécologues, le CNGOF. Car ce ne sont pas 3 femmes sur 4 qui la subissent, mais 27% aujourd’hui (contre 55% en 1998). C’est encore trop, la plupart des spécialistes en conviennent. D’où cette recommandation qui, on l’espère, sera enfin respectée : « aucune circonstance obstétricale spécifique (fragilité périnéale, antécédent de déchirure etc.) ne justifier une épisiotomie systématique ». On ne saurait être plus clair.