Maladies chroniques : une double peine pour les femmes

Ils souffrent, mais en silence. Ils essayent de faire « comme si », mais la réalité les rattrape. Souvent ils n’osent pas en parler à leurs collègues, encore moins à leur employeur alors même qu’ils en subissent les conséquences au quotidien. « Ils », ce sont ces millions de Français (16% de la population active, 20% en 2025) qui souffrent d’une pathologie chronique : sida, diabète, sclérose en plaques, MICI, hémophilie etc.

A l’occasion de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, l’association ICA (pour « (im)patients, Chroniques et Associés », fédération de 14 associations de malades chroniques créée en 2011) a interrogé 836 personnes dont la moitié était en ALD – affection de longue durée, prise en charge à 100% par la collectivité. Les résultats de cette enquête sont affligeants.

Au total, 8% des sondés ont en effet perdu leur emploi à la suite d’un diagnostic de maladie chronique. Dans la réalité, les conséquences vont même au delà puisque ces 8% ne prennent pas en compte les autres salariés placés en ALD. C’est-à-dire ceux qui ont dû, malgré eux, quitter régulièrement et pour une longue durée de leur entreprise sans pour autant être licenciés. Or ces ALD représentent à eux seuls 19% des personnes concernées. Autrement dit, au final plus d’un salarié sur quatre concerné par une maladie chronique se retrouve de fait exclu, temporairement ou définitivement, de son travail.

Autre fait, plus désolant encore : ce sont les plus fragiles sur le marché de l’emploi qui payent le prix le plus lourd. Les femmes tout d’abord, deux fois plus touchées que les hommes (11% contre 5%). Les moins qualifiés aussi : 8% des ouvriers, mais surtout 31% des titulaires d’un CAP ou d’un BEP – contre… 0% pour les ingénieurs diplômés ! Bref, comme le pointe Frédéric Lert, président de ICA, « les inégalités sont accentuées à tous les niveaux face à la maladie ».

D’autant que cela se traduit dans la plupart des cas par une baisse, voire une perte de revenus. Et là encore, l’écart entre hommes et femmes est conséquent : 59% chez les premiers, 78% chez les secondes. Et ce, alors que le maintien dans l’emploi est considéré comme positif par un quart des sondés, autant d’ailleurs pour leur santé que pour leur qualité de vie. On comprend mieux, dans ces conditions, que seules 57% des personnes souffrant de maladie chronique aient choisi d’en parler dans le cadre professionnel. Et lorsqu’ils ont le courage de le faire, plus d’un malade sur six estiment que la nouvelle a été mal comprise. 7% regrettent même de l’avoir fait. Avec, une fois encore, des différences fortes selon le sexe : 4% des hommes, 9% des femmes.

C’est dire si l’expression de « double peine » souvent employée pour les maladies graves comme le cancer demeure aujourd’hui encore une réalité en France. Les salariés ont, sans doute, une part de « responsabilité » (peur de dire, d’être stigmatisé, honte d’être « faible »…). Mais celle-ci est sans commune mesure avec la vraie responsabilité des employeurs et des pouvoirs publics. Il serait temps que l’entreprise favorise de nouvelles formes de travail plus adaptées à leur situation (mi-temps thérapeutique, télétravail…). Et que l’État les y encourage. Et même, pourquoi pas, les y contraigne.