Halte aux idées reçues sur « les vieux » !
Malheureuses, exploitées, exclues, pauvres et méprisées… Les personnes âgées seraient-elles victimes d’une société injuste, égoïste et pour tout dire abjecte ? Quand on leur pose la question, nos ainés répondent au contraire qu’ils se sentent « des citoyens à part entière, comme les autres ». Et pas qu’un peu : à 80% ! 11% se disent même « mieux considérés ». On est loin de l’image terrible que martèlent quelques spécialistes auto-proclamés.
Soyons clairs : pas question de verser dans l’optimisme béat ou de faire de la France le paradis des seniors. Je sais qu’une partie d’entre eux vivent avec de toutes petites retraites, que celles-ci sont régulièrement rognées et que, pour les femmes seules – notamment celles qui n’ont jamais travaillé – il est souvent difficile de joindre les deux bouts. Reste que l’étude menée par l’Institut du Bien Vieillir dont sont issus ces chiffres a quelque chose de réjouissant – au passage et par souci d’honnêteté, je précise que le Président de son comité, Philippe de Normandie, est un ami. Créé par le groupe Korian, leader européen des maisons de retraite et des EHPAD (715 établissements, 72 000 lits), cet Institut a interrogé des milliers d’Européens de 65 ans et plus, dont 1000 Français. Et les résultats viennent bousculer nombre d’idées reçues.
Première idée reçue : les vieux sont nostalgiques
De toutes les réponses contenues dans cette enquête, c’est l’élément qui m’a le plus étonné. Quand on leur demande quel est l’âge de la vie où il est le plus facile de se faire plaisir, ils répondent à 22% « jeune retraité », avant le moment où on s’installe dans la vie (17%), l’enfance ou l’adolescence (16%), ou quand on commence à travailler (15%). Ça, c’est pour l’ensemble des Européens. Mais les Français se distinguent particulièrement : le moment de la retraite est plébiscité à 35%, loin devant les Allemands (14%) ou les Italiens (12%).
J’en déduis que, en France tout au moins, c’est aux alentours de la soixantaine que les contraintes – financières, physiologiques, matérielles notamment – semblent les plus faibles. En cela, les baby-boomers savent qu’ils ont bénéficié à plein des Trente Glorieuses, ces années de prospérité économique et d’augmentation du pouvoir d’achat. Et ils sont conscients que leurs enfants n’ont pas eu, eux, les mêmes chances dans leur vie. Lucides et solidaires donc, les vieux !.
2ème idée reçue : les vieux se sentent vieux
A la question « Avez-vous régulièrement le sentiment d’être beaucoup plus jeune que votre âge ? », les Français répondent oui à 61%. Ils continuent d’ailleurs à avoir des sentiments amoureux (49%), des relations sexuelles régulières (à 37%), à séduire (25%) et à faire la fête (21%). Quant à l’idée d’ « avoir envie de refaire sa vie », les Français se distinguent là encore en étant 11% seulement à répondre « oui », contre 58% des Allemands et 39% des Belges. Signe qu’ils éprouvent peu de regrets. Et qu’ils sont prêts à continuer à en profiter : selon eux, l’âge jusqu’auquel la vie peut procurer du plaisir s’établit à… 83 ans ! Soit environ vingt ans d’années de retraite.
3ème idée reçue : les vieux sont déconnectés
Internet, Skype, réseaux sociaux… Contrairement à ce que croient les ados, les vieux sont connectés – hyper connectés pourrait-on dire dans certains cas ! Les deux-tiers des Européens âgés de 65 ans et plus (et 72% des Français, soit une augmentation de 6% entre 2014 et 2016) envoient des mails au moins une fois par semaine, et tous les jours ou presque pour la moitié d’entre eux. Même les plus de 80 ans s’y sont mis : 54% d’entre eux envoient régulièrement des mails.
Gérer ses finances par ordinateur ? 43% le font régulièrement. Idem pour aller sur des forums (37%) ou passer par les réseaux sociaux (35%). Quant aux achats en ligne, ils restent l’apanage d’une minorité mais plus d’1 senior sur 10 s’y est mis. Sans parler des sites de rencontres (3% !) qui seront sans doute de plus en plus prisés au fil des ans.
4ème idée fausse : les vieux se sacrificent
N’en déplaise à certains sociologues, les seniors ne sacrifient pas – en tout cas pas tous, loin de là – leur vie à s’occuper de leurs petits-enfants ! Globalement, à peine 30% d’entre eux les gardent souvent durant les vacances. L’âge avançant, le pourcentage diminue évidemment, mais dans des proportions moindres qu’attendu : 36% des 65-69 ans et des 70-74 ans, contre 28% des 75-79 ans et 13% des 80 ans et plus. D’ailleurs, lorsqu’on les interroge, ils disent qu’ils « préfèreraient avoir davantage d’échanges avec leurs enfants d’être cantonnés au rôle de nounou de leurs petits-enfants », note à ce propos Aude Letty, déléguée générale de l’Institut du Bien Vieillir.
Satisfaits, autonomes, réalistes : les seniors sont parfois loin de la caricature qu’on en fait, ajoute-t-elle. En tout cas jusqu’à un certain point. Plus précisément, « c’est l’entrée dans la dépendance qui fait basculer les choses » précise Aude Letty – dépendance financière (surtout pour les veuves) ou physique (surtout à partir de 80 ans). C’est là, précisément, que la société toute entière se devrait de montrer de la solidarité. C’est là, pourtant, que celle-ci fait souvent défaut.