Nous sommes tous des manipulateurs!

A la maison (« Chérie, je descends le chien pendant que tu fais la vaisselle? »), entre amis (« On n’a qu’à partager la note du restau en trois », et tant mieux si j’ai plus mangé que les deux autres) mais aussi au travail. J’ajouterais: au travail surtout! Car il serait temps d’ « en finir avec l’angélisme », comme dit Bruno Lefebvre d’AlterAlliance, cet angélisme qui voudrait que chacun travaille à la fois pour lui et dans l’intérêt de l’entreprise.Demander une augmentation ou la refuser? se faire bien voir de son chef ou passer pour un gentil patron? refiler au collègue le boulot foireux ou récupérer le « bon » dossier, celui qui va vous faire mousser? Pour certains, tous les moyens sont bons – y compris quand c’est « pour la bonne cause » ou « pour son bien », comprenez celui du manipulé. Mon intuition est celle-ci: la manipulation a toujours existé et elle n’est pas, en soi, une mauvaise chose – tentez une fois de dire TOUT ce que vous pensez, jouez la transparence absolue, soyez honnête avec vous-même et votre boss, vous verrez le résultat! Mais elle est plus facile à exercer quand vous avez le pouvoir que lorsque vous ne l’exercez pas… Ce n’est pas un scoop: aujourd’hui dans l’entreprise la pression est toujours plus forte, les rapports hiérarchiques toujours plus tendus, les échanges individuels toujours plus exacerbés. Or, si la manipulation n’est pas uniquement créée par cette violence, elle s’en nourrit, comme elle se nourrit des ordres flous, de l’absence de règles claires, de la démagogie et des injonctions contradictoires. En cela, le mode de management actuel porte bien une lourde part dans cette affaire. D’où vient, pourtant, ce sentiment que j’ai et qui me dérange d’une espèce d’ »effet mode »? D’un constat tout d’abord: après la vogue du harcèlement, après celle des pervers narcissiques, voici venu le temps des manipulateurs comme source unique de tous les maux de l’entreprise. Comme si les choses étaient aussi simples. Comme si le rapport de forces ne s’inversait jamais entre victime et bourreau. Mais il est autre chose qui me dérange: c’est cette victimisation dans laquelle se complaisent parfois certains – j’ai bien dit certains. N’en déplaise aux âmes pures (encore!), pour qu’un manipulateur exerce son pouvoir de nuisance, et il est parfois grand, il faut bien qu’il ait une proie. Là non plus, ce n’est pas toujours simple d’y résister. Mais chacun d’entre nous est responsabie de ce qu’il est, de ce qu’il vit. A sa mesure, mais quand même. C’est ma conviction. Je vous laisse avec cette phrase de Sartre qui me « parle » tout particulièrement: « L’important ce n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous faisons de ce qu’on a fait de nous. »