Burn out: non aux « médicaments » bidon


J’ai envie de commencer ce premier post de blog par un coup de gueule – ce qui n’étonnera guère ceux qui me connaissent. L’objet de mon courroux ? « Anbosyn: le premier et l’unique complément alimentaire anti burn out! » (le point d’exclamation est en titre du communiqué de presse!), dont lexpress.fr a déjà mentionné l’existence dans un article très complet, mais qui mérite à mes yeux un petit complément d’information
Quelques précisions au passage: la « validation » n’est rien d’autre qu’une simple autorisation; les « plus grandes revues » n’en sont qu’une, le « Journal of international medical research », de notoriété plus que modeste malgré son titre ronflant. En outre, l’étude a comparé deux groupes, l’un recevant l’Anbosyn, l’autre un placebo (substance neutre sans effet), mais avec de toute petits effectifs: 44 sujets pour le premier, 41 sujets pour le second, ce qui laisse une grande incertitude statistique. Enfin, la lecture du CV du médecin expert, resté très vert malgré ses 72 printemps, laisse perplexe: directeur médical d’une société de cosmétiques, activité libérale de consultant, juré d’admission à l’Institut supérieur du parfum… Sans parler de ses publications « scientifiques »antérieures: évaluation clinique d’un bain de bouche, d’une émulsion pour la toilette intime de la femme , d’amincissants par la « méthodologie reproductible pour l’utilisation d’un centimètre de couturière », et même… une « évaluation comparative de l’efficacité d’une brosse à dents électrique ». Fermez le ban!
Tout cela pourrait prêt à sourire s’il ne s’agissait pas du burn out. Une pathologie sérieuse, qui concerne tout le monde: cadres comme personnels de santé, salariés comme dirigeants de grande ou de très petites entreprises. Avec à la clé dépression sévère, troubles physiques gravissimes et parfois même suicide. Or, les effets de cet Anbosyn sont longs à venir : « un minimum de 6 semaines pour ressentir les premiers effets », et même « une prise régulière pendant 3 mois indispensable pour qu’il puisse agir de façon optimale » à en croire le dossier de presse, pourtant peu suspect de prudence. Et tout ça pour quoi? Dans l’article scientifique mentionné par ses promoteurs, on apprend que « la qualité de la vie professionnelle, de la vie familiale, du sommeil et l’énergie ont été évalués », et qu’ « une amélioration significative a été observée dans les deux groupes, à l’exception de la qualité du sommeil dans le groupe placebo »! Autant dire que le « rien » est presque aussi efficace que le pas grand-chose…
Il y a plus grave encore: tous les participants, qu’ils aient reçu ou pas Anbosyn, ont bénéficié à 3 reprises de longs entretiens (1H30 en moyenne) avec un professionnel, au cours duquel ils pouvaient exposer leurs difficultés (familiales, personnelles ou autres) sans crainte d’être jugés. Or, les auteurs de l’article le reconnaissent eux-mêmes, ces rencontres « ont probablement joué un rôle substantiel en permettant aux patients d’améliorer leur bien-être au cours de l’essai, cela étant vrai pour les patients des deux groupes. » En d’autres termes, comme ils le concluent dans leur publication, « dans le contexte du burn out, notre opinion est que l’expression verbale est une priorité absolue »». Ainsi donc, le suivi psychologique constitue la première – voire la seule, en l’absence de troubles sévères évoquant un syndrome dépressif – solution pour prendre en charge correctement un burn out. On s’en doutait un peu. Mais les chantres des compléments alimentaires, méthodes naturelles et autres pata médecine feraient bien de s’en souvenir avant de balancer des communiqués triomphants.