Pourquoi il faut aider les aidants

Enfin ! Oui, il était temps, deux ans et demi après l’élection d’Emmanuel Macron, que ce gouvernement se penche enfin sur la situation des aidants. Et s’il souffre de quelques insuffisances, le plan dévoilé mardi par Agnès Buzyn et Sophie Cluzel, respectivement ministre de la Santé et secrétaire d’Etat aux handicapés, a au moins le mérite d’exister et même, je le reconnais bien volontiers, le mérite de ses ambitions.

Les aidants, ce sont ces millions de Françaises et de Français qui viennent « en aide, de façon régulière et fréquente, à titre non professionnel » à des personnes en perte d’autonomie du fait de l’âge, d’un handicap ou d’une maladie chronique ou invalidante. Telle est la définition officielle d’un(e) aidant(e) selon la loi du 28 décembre 2015, et leur rôle dans la société est essentiel. C’est aller faire des courses pour un voisin nonagénaire, c’est accompagner à l’école d’un neveu paralysé, c’est passer une après-midi chez un parent atteint d’Alzheimer. Et tant d’autres choses encore.

Autant dire que les aidants y consacrent beaucoup de temps et d’énergie,  et qu’ils suppléent pour une large part les insuffisances des organismes officiels. Le tout avec bien peu de reconnaissance et de soutien de ces mêmes organismes. Combien sont-ils en France, à s’investir ainsi jour après jour et dans l’ombre aux côtés de ces « oubliés » de la solidarité nationale ? 8 millions, 11 millions ? Les chiffres divergent selon les enquêtes, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils s’occupent en priorité de leur famille (à 92%), qu’ils sont eux-mêmes assez âgés (plus du tiers ont entre 50 et 64 ans), et qu’ils se perdent souvent dans les méandres de l’administration sans bien savoir à qui s’adresser.

Sur ce point, je me réjouis d’ailleurs de la première mesure annoncée par Agnès Buzyn : la mise en place d’un numéro d’appel national dès l’année prochaine, numéro qui permettra bien évidemment d’offrir une écoute aux aidants, mais qui les orientera également vers les « bons » interlocuteurs de proximité. L’autre écueil rencontré par les aidants réside dans les difficultés à concilier au quotidien vie d’aidants et travail. Conséquences : une santé défaillante  (un tiers d’entre eux la négligent), un sentiment justifié de manque de considération et des renoncements fréquents en matière de réussite professionnelle. De fait, un aidant sur quatre a dû s’absenter au moins 16 jours travaillés (soit trois semaines) au cours des douze mois précédents.

D’où l’intérêt de cette autre disposition annoncée mardi : l’indemnisation, dès l’année prochaine, du congé de proche aidant à hauteur de 43 à 52 euros par jour selon les situations. Il concernera tout le monde : salariés, indépendants et chômeurs. Mieux encore, ce congé sera intégré dans les droits à la retraite et cumulable avec le RSA. Alors bien sûr, on pourra toujours déplorer qu’il ne soit pas mieux rémunéré. Qu’il ne puisse aller au-delà de trois mois sur l’ensemble d’une carrière. Que la reconnaissance de l’expérience acquise en tant que proche aidant soit repoussée à 2021.

Pour ma part, je regrette surtout que le gouvernement n’ait pas accéléré ou facilité la mise en œuvre du don de RTT pour les aidants au sein d’une entreprise. Une loi votée en février 2018, et dont j’ai expliqué dans ce post pourquoi elle me tenait tant à cœur. L’autre grand reproche que l’on peut adresser au gouvernement, c’est la faiblesse, voire l’absence de propositions concrètes adressées à une catégorie particulière d’aidants, à savoir les jeunes, c’est-à-dire les moins de trente ans.

Ils seraient 500 000 en France et, selon une enquête menée  en 2017 par Novartis et Ipsos auprès de 500 aidants âgés de 13 (oui, 13 ans !) à 30 ans, les trois-quarts d’entre eux y consacrent au moins une heure par jour. Et en ayant commencé, en moyenne, à 17 ans à peine. Le gouvernement s’est engagé sur deux points précis en direction des lycéens et des étudiants : « sensibilisation » du personnel enseignant et « aménagement des rythmes d’études ». Ces promesses sont-elles de nature à les aider vraiment ? Sont-elles à la hauteur des enjeux ? La réponse est malheureusement dans la question.