Faut-il « emmerder » les non-vaccinés ?

C’est une de ces petites phrases dont Emmanuel Macron a le secret. De celles qui fâchent les uns, qui réjouissent les autres (pas forcément les moins nombreux, d’ailleurs) et qui ont en tout cas le mérite, si j’ose dire, d’obliger chacun à se positionner.

Je veux bien entendu parler de son interview du jour dans Le Parisien, où il affirme avoir « envie d’emmerder » les non-vaccinés. Mais avant de poursuivre, il me semble intéressant de rappeler les propos qui précèdent cette fameuse petite phrase : « En démocratie, le pire ennemi, c’est le mensonge et la bêtise. Nous mettons une pression sur les non-vaccinés en limitant pour eux, autant que possible, l’activité aux accès de la vie sociale. D’ailleurs, la quasi-totalité des gens, 90%, y ont adhéré. C’est une toute petite minorité qui y est réfractaire. Celle-là, comment on la réduit ? On la réduit, pardon de le dire, en l’emmerdant encore davantage. »

Au risque de choquer certains, je ne vois pas là-dedans grand-chose de faux. Macron fait ici un certain nombre de constats qui s’inscrivent dans la logique gouvernementale déployée depuis plusieurs mois à savoir : tout faire pour éviter un nouveau reconfinement et les conséquences terribles qui en découleraient. Inciter fortement, mais ne pas obliger. En d’autres termes, protéger autant que possible la santé de ceux qui se vaccinent et de ceux qui soignent. Quitte à restreindre certaines libertés de ceux qui s’y refusent.

Alors bien sûr, il y a ce mot grossier, voire violent, d’ « emmerder ». J’observe, pour commencer, qu’en matière de violence les antivax ont encore une bonne longueur d’avance sur le Président – dégradation de tentes pour les tests, destruction de centaines de lots de vaccin, menaces contre les journalistes, agressions physiques de soignants et j’en passe. J’observe également que chez les politiques, la violence verbale n’est pas l’apanage d’Emmanuel Macron, loin de là. Entre Zemmour, Le Pen, Ciotti ou Mélenchon, c’est à qui ira le plus loin dans l’outrance. « Un type qui n’est pas fini », « Un homme qui n’aime pas la France », un « menteur », un « irresponsable », un Président « illégitime, élu par effraction » et j’en passe là aussi.

C’est pourquoi mon hypothèse est que, dans un tel climat général d’agressivité, Macron fait le pari que les Français seront moins offusqués que certains commentateurs politiques. Un pari audacieux – mais peut-être gagnant sur le plan électoral. Après tout, des dizaines de millions se sont rués dans les pharmacies pour avoir leur 3ème dose. Des dizaines de milliers de personnes reçoivent, chaque jour, leur première dose. De plus en plus de médecins s’élèvent contre ces malades qui encombrent leurs services, mentent sur leur état de santé, refusent parfois les soins et agressent le personnel soignant.

Je ne serais donc pas étonné que, dans l’idée d’ « emmerder » les non-vaccinés, les Français entendent, de façon quasi subliminale, que les non-vaccinés sont des « emmerdeurs ». Et qu’ils valident la chose.

Quant aux partis politiques, les réactions unanimes de vraie/fausse indignation risquent de les desservir. Du côté du RN et de LFI, elles viennent s’ajouter à des déclarations précédentes discutables, pour ne pas dire déplorables. Du côté du PS ou des LR, elles les mettent dans une position inconfortable vis-à-vis de leurs électeurs. Bref, c’est Macron seul contre tous et ce n’est sans doute pas pour lui déplaire.

Fallait-il pour autant prononcer ces phrases ? Sont-elles vraiment dignes d’une élection présidentielle ? Je ne suis pas sûr qu’elles contribuent à apaiser les débats. Surtout, en ne posant pas clairement la distinction – essentielle – entre non-vaccinés et antivax, Emmanuel Macron se trompe de combat. Contraindre les premiers, oui. Combattre les seconds, oui aussi. Mais dire qu’un antivax est « irresponsable » non. Il est responsable. Dangereux, néfaste, effrayant, mais responsable. Et dire qu’il n’est plus un citoyen », encore moins. Proxax, antivax, hésitant, un Français demeure un citoyen. Le Président de la République en est le garant. A trop vouloir provoquer ….