Covid: faut-il imposer la vaccination aux soignants ?

Obliger l’ensemble des professionnels de santé à se vacciner contre le Covid ? A première vue, la réponse semble évidente : c’est oui. Ce ne serait d’ailleurs pas une première. Depuis des années, cinq vaccins sont obligatoires, à savoir l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la fièvre typhoïde. Et cela ne semble poser aucun problème.

Il n’y a guère que la grippe qui fait encore débat. Chaque hiver, la question ressurgit : jusqu’où faut-il aller pour convaincre les soignants de se faire vacciner ? A l’hôpital, si les deux-tiers des médecins l’acceptent, le taux de couverture chez les infirmiers et les aides-soignants est insuffisant – pour ne pas dire scandaleusement bas : respectivement 36% et 21%. Et que dire des Ehpad, où on compte à peine un tiers de vaccinés alors que les personnes âgées sont, ont le sait, les premières victimes de la grippe avec plusieurs milliers de décès chaque année ?

Mais revenons au Covid. L’enjeu est d’autant plus crucial que les professionnels de santé ont été touchés de plein fouet : plus de 70 000 contaminations depuis le début de l’épidémie ! Quand on sait que 60% des malades présentent au moins un symptôme six mois plus tard, et que pour 30% d’entre eux il n’y a pas de retour au travail du fait des conséquences, il y a de quoi frémir.

A cela s’ajoute le fait qu’avec 44 000 cas l’année dernière, le Covid est devenu la maladie nosocomiale la plus fréquente en France. Pour mémoire, une maladie nosocomiale se définit comme une pathologie que l’on n’avait pas en entrant à l’hôpital et que l’on a attrapée sur place. Impossible évidemment de savoir la part respective des contaminations par les soignants et par d’autres patient mais, en tout état de cause, le chiffre est suffisamment élevé pour que les autorités de santé mettent tout en œuvre pour le faire baisser.

Bref, comme l’a dit récemment l’Académie de Médecine, « tous les critères sont réunis » pour que la vaccination contre le Covid soit imposée à l’ensemble des professionnels de santé. Et pourtant, le ministre de la Santé l’a clamé et l’a encore répété récemment, il n’est pas question d’en arriver là. Pourquoi ? Pour des raisons éthiques tout d’abord qui promeuvent, comme l’a expliqué le Comité du même nom en mars dernier, le principe d’ « un choix vaccinal libre » plutôt qu’imposé. Bien sûr, rappelle-t-il, se vacciner « relève de la déontologie professionnelle et répond à une exigence éthique ». Mais, ajoute-t-il, entre les injonctions contradictoires du gouvernement et le récent avis de la HAS qui le déconseille avant 55 ans, la « confusion » autour du vaccin d’Astra Zeneca a pu faire naitre chez le personnel soignant « un sentiment de manque de considération ». Dans ces conditions, estime le Comité d’Ethique, mieux vaut faire preuve de pédagogie que de contrainte.

Si le gouvernement a renoncé, c’est ensuite pour des raisons pragmatiques : autant le taux de vaccination des soignants était relativement faible il y a encore trois semaines – 68% à la mi-avril, selon les données de Santé Publique France – autant il a augmenté de façon spectaculaire depuis dix jours, avec près de 80% de professionnels ayant reçu une dose et 37% les deux doses nécessaires. Dans ces conditions, il ne reste plus grand monde à vacciner et il y a fort à parier que les 20% restants sont au mieux des indécis, au pire des réfractaires qu’il sera délicat de convaincre.

Mais si le gouvernement a renoncé à l’obligation vaccinale, c’est également pour des raisons moins avouables. Et qui concerne, justement, ces réfractaires. Ainsi, dans un article récent paru dans Le Monde, une infirmière prévenait : « Si on m’impose le vaccin je démissionne ! ». On peut toujours déplorer, voire dénoncer ce genre de chantage, le fait est là : aujourd’hui, la pénurie de personnel est telle qu’aucun directeur ne prendra le risque de braquer certains soignants, fussent-ils minoritaires. Et tant pis pour l’effet potentiellement désastreux vis-à-vis des collègues ou des patients … Sans parler des éventuels certificats de contre-indications de complaisance ou même de fausses attestations.

Alors ? Alors, peut-être vaut-il effectivement mieux renoncer à l’obligation. Mais on pourrait au moins mettre ces soignants face à leurs responsabilités. Et, pourquoi pas, faire comme en Italie où les sanctions peuvent aller jusqu’à une baisse partielle de salaire – sauf si on se soumet à un test trois fois par semaine. Ou, mieux encore, faire comme en Israël. Là-bas, la règle est simple : vous ne voulez pas vous faire vacciner ? Alors vous serez cantonnés à des tâches administratives. Et vous ne ferez pas courir de risques inutiles aux personnes que vous êtes censés soigner.