Pour en finir avec la chloroquine


Le traitement du Pr Raoult, ça ne marche pas ! Que ce soit de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine (HCQ), que ce soit avec de l’Azithromycine ou sans Azithromycine, les dernières études vont toutes dans le même sens et aujourd’hui le doute n’est plus permis : aucune de ces options n’est efficace contre le Covid 19.
Bref, je ne serais pas surpris que, très vite, les autorités sanitaires de différents pays (Belgique, Suède, Espagne…) en tirent les conclusions qui s’imposent et cessent de faire la promotion de cette molécule. Mais il faudra bien un jour ou l’autre s’interroger sur les dégâts occasionnés par la « folie chloroquine » alimentée semaine après semaine par Didier Raoult, au mépris de la rigueur et de l’éthique scientifiques.
Reprenons. Depuis un mois, les études s’accumulent. Toutes montrent que la chloroquine et son dérive, HCQ, sont au mieux inefficaces, au pire toxiques. Toutes sont publiées dans des revues reconnues, et systématiquement relues par des chercheurs compétents avant parution – à la différence des travaux favorables au Pr Raoult qui, dans l’immense majorité des cas, sont ce qu’on appelle des « pré-print », c’est-à-dire des articles non validés.
Je fais ici référence à plusieurs études, l’une parue dans le JAMA, une autre dans le British Medical Journal, une autre encore dans le New England Journal of Medecine. Mais c’est surtout la dernière en date, publiée dans le Lancet, qui devrait clore définitivement la controverse notamment par son ampleur : plus de 95 000 dossiers de patients, 67 hôpitaux sur les cinq continents, excusez du peu ! En face, les 1061 malades marseillais inclus dans le dernier essai du Pr Raoult ne pèsent pas lourd…
Cette étude est irréfutable car elle a comparé 15 000 personnes réparties en 4 groupes de patients (chloroquine et HCQ seules, et chloroquine et HCQ avec Azithromycine, le dernier groupe étant précisément le protocole de Didier Raoult) avec 80 000 patients sous traitement standard. Et que révèle cette étude ? Que le risque de mortalité est en moyenne 50% plus élevé dans les 4 groupes que dans le groupe standard. Et notamment pour les arythmies cardiaques, où le risque est augmenté de 400% chez les patients traités par HCQ et Azithromycine ! La conclusion des auteurs est sans appel : « Nos résultats suggèrent non seulement une absence de bénéfices, mais aussi des dommages potentiels » chez les malades traités.
Fin de l’histoire ? Ce serait mal connaître les partisans du Pr Raoult. Dès hier, les réactions, sur les réseaux sociaux notamment, ne se sont pas fait attendre. Avec à chaque fois les mêmes arguments.
Un, toutes ces revues et leurs auteurs sont vendus aux labos pharmaceutiques – sauf que ces mêmes revues publient régulièrement des articles critiques de ces mêmes auteurs sur des médicaments proposés par ces mêmes labos.
Deux, c’est parce que la chloroquine ne coûte pas cher qu’elle ne plait pas aux Big Pharma – sauf que s’il s’agit de traiter des millions voire des milliards de personnes, même pas cher un traitement demeurerait rentable.
Trois, ce médicament est ancien, donc bien toléré et sans risques – sauf que les doses sont supérieures aux traitements habituels et que même bien toléré, une molécule a toujours des effets indésirables potentiels.
Quatre, aucune étude négative ne reproduit exactement le protocole Raoult.
Je voudrais m’arrêter quelques instants sur ce dernier argument particulièrement spécieux et qui revient à chaque fois. Aucune autre étude que celles menées par le Pr Raoult et ses partisans n’est valable à leurs yeux : tantôt ce n’est pas le bon moment (c’est-à-dire le moment décidé par Didier Raoult), tantôt ce n’est pas la bonne dose (trop forte ou trop faible), tantôt ce ne sont pas les bons patients. En tout cas, à entendre les pro-Raoult « ses détracteurs refusent sciemment de suivre ses recommandations et c’est pour cette raison que leurs résultats ne sont pas satisfaisants ».
De fait, son protocole est effectivement très précis : 600 mg d’HCQ avec un antibiotique en complément, le plus tôt possible, pour des patients peu symptomatiques et sans facteurs de risques particuliers. Traduction pour le profane : le Pr Raoult traite des formes légères de Covid 19 chez des personnes qui, statistiquement, guériront spontanément dans 98 à 98,5% des cas ! Cela renvoie à la bonne vieille blague médicale qui veut que « chez un patient en bonne santé, une angine virale finit en 7 jours avec un antibiotique et en une semaine sans antibiotique »…
Face à cette évidence scientifique, les pro-Raoult ne désarment pas et s’indignent : « On voit bien que c’est efficace puisque les gens ne tombent pas malades. Quand vont-ils enfin valider le protocole de notre sauveur ? (« ils », ce sont au choix les médecins, les pouvoirs publics, les scientifiques).
A ces pro-Raoult, je réponds ceci : « On ne sait pas si c’est efficace. Quand va-t-il enfin valider son propre protocole ? » (« il », c’est le Pr Raoult). Car enfin, depuis deux mois qu’il proclame que ton traitement est « sûr et efficace », voire « spectaculaire », Didier Raoult avait largement le temps d’en apporter la preuve. Il lui suffisait, il lui suffirait de faire ce que tout scientifique sérieux fait quand il veut valider ses affirmations : prendre un nombre suffisant de patients, les répartir en deux groupes, vérifier qu’ils sont homogènes, puis tirer au sort ceux qui auront le traitement et ceux qui ne l’auront pas. Puis regarder si l’un des deux groupes a des résultats meilleurs que l’autre. Avant, dernière étape, de partager l’ensemble de ces données et de faire valider son travail par ses pairs. Pour pouvoir alors publier une étude irréfutable qui fera taire les critiques.
C’est comme ça qu’avance la science. C’est grâce à ça que les médecins peuvent, ensuite et en connaissance de cause, décider s’ils proposent ou pas une thérapeutique validée à leurs patients. Cela s’appelle le consensus, et Didier Raoult peut toujours proclamer que « le consensus c’est Pétain », il fait mine d’oublier qu’en matière de sciences, le consensus n’est pas acquis ni présumé. Il ne s’obtient qu’après évaluation, discussion, et contradiction éventuelle. Bref, c’est tout sauf Pétain…
Didier Raoult a décidé de s’affranchir de ces règles nécessaires et essentielles. Pourquoi ? Je l’ignore. Ce que je vois, c’est que Didier Raoult préfère passer outre l’exigence scientifique et jouer l’opinion publique contre les « sachants ». Cela porte un nom. Cela s’appelle du populisme médical.