Ce qu’il faut retenir du plan Santé de Macron

« C’est une hypocrisie de dire que l’on est soigné de la même façon partout en France ». Qu’il est bon d’entendre enfin un responsable politique reconnaître la réalité ! Oui, il était temps d’admettre qu’en matière de santé, le mythe d’une France républicaine, solidaire et juste a vécu : aujourd’hui dans notre pays, les citoyens ne bénéficient pas, ne bénéficient plus d’une médecine de qualité – en tout cas pas tous les Français – et c’est le Président de la République qui l’a dit hier en présentant son grand plan « Santé 2022 ». Ayant écouté l’intégralité du discours d’Emmanuel Macron, j’ai été frappé par la justesse de son diagnostic sur trois points : l’accès aux soins, la qualité de ces soins et l’organisation de notre système de santé – ce que les spécialistes appellent la gouvernance. Reprenons : l’accès aux soins menacé par les déserts médicaux et le recours systématique aux urgences ? Cela vient avant tout d’une mauvaise répartition des professionnels sur le territoire, mais aussi d’un « réflexe » (dixit Macron) malvenu des patients lié, notamment, à l’absence d’avance sur frais. La qualité des soins ? Elle est peu ou mal évaluée – en tout cas pas par les principaux intéressés, les usagers de santé. Et quand elle l’est effectivement, elle ne donne en général pas lieu à une gratification pour celui qui travaille bien. Et encore moins à une sanction pour celui qui travaille mal. D’où des examens redondants, des traitements inutiles, des actes non pertinents dont les premières victimes sont les patients. Quant à la gouvernance, elle concerne à la fois l’hôpital public, les établissements privés et les praticiens libéraux. Les uns souffrent d’une organisation défaillante, les autres d’une concurrence déséquilibrée, et la médecine de ville d’un mode d’exercice trop solitaire. Si l’on ajoute à cela que, pour tous, le temps médical est littéralement « bouffé » par l’administratif et que le mode de rémunération favorise la quantité d’actes au détriment de leur pertinence, on mesure l’ampleur du chemin qui reste à faire… Les solutions préconisées vont dans le bon sens, la quasi-totalité des acteurs en conviennent. Deux exemples concernant l’accès aux soins : une permanence des soins assurée par les libéraux jusqu’à 20H, et la création de 400 postes de généralistes en exercice partagé entre ville et hôpital. Deux autres concernant la qualité des soins : une nouvelle répartition des hôpitaux publics (de proximité, spécialisés, d’excellence), et des parcours de soins cohérents et validés par les professionnels. Et concernant la gouvernance : un financement au forfait pour certaines pathologies chroniques et 2000 postes d’un nouveau métier, assistant médical, censé soulager les médecins libéraux de certaines tâches (dépistages, mise à jour des dossiers…). De bonnes intentions donc, malheureusement gâchées par un manque d’ambition sur les moyens et les délais envisagés : 400 postes de généralistes, c’est ridicule au regard des besoins réels ; 2022, c’est bien tard pour assurer un espace numérique à chaque patient. Sans parler des grands absents de la réforme que sont les paramédicaux : aides-soignants, infirmières, orthophonistes, kinés, psys, diététiciens et j’en passe. Comme si, aux yeux du Président, les professionnels de santé se résumaient aux seuls médecins. Mais surtout, mes réticences viennent d’une petite phrase prononcée par Emmanuel Macron sur la centralisation et le jacobinisme de notre pays, qui seraient « un atout pour la France ».  Cette phrase explique, pour une part, l’inflation des « Il faut », « Je veux », « Nous allons » dans son discours : tout partant de l’État et tout revenant vers lui, la quasi-totalité des réformes envisagées sont descendantes, globales, imposées de façon uniforme, sans tenir compte des spécificités locales ni des besoins de chacun – alors que la santé exige justement du sur-mesure, quitte à ajuster une expérimentation après son évaluation. Et quand le Président affirme qu’il « ne s’agit pas de faire un énième petit pas, mais d’une transformation en profondeur car nous sommes à un niveau de maturité qui le permet », je lui réponds que moi je crois au contraire aux petits pas car dans un pays rétif au changement (c’est lui qui le dit !), promettre le grand soir c’est le plus sûr moyen de pousser au blocage général, aux oppositions de toutes sortes – les syndicats médicaux, les administrations, les « experts », les groupes de pression en tous genres. Bref, ceux qui ont, d’une façon ou d’une autre, un intérêt à ce que rien ne bouge. En définitive, la meilleure gouvernance, c’est celle qui propose à tous un objectif partagé, mais qui laisse chacun libre de choisir la façon d’y parvenir. Un mélange de responsabilisation et d’autonomie en quelque sorte. Et qui renvoie au programme du candidat Macron, quand il vantait la prise de risques, l’intelligence collective et le droit à l’erreur. Autant d’approches oubliées dans le discours d’hier. Comme si la maturité était réservée à quelques-uns. Comme si, une fois arrivé au pouvoir, le Président ne faisait plus confiance aux Français.