Dépression: et le droit à l’oubli?


Comme tout le monde, ce crash de l’Airbus A320 m’a sidéré. Au sens propre: chacun d’entre nous s’imagine – ou, plutôt, ne veut pas s’imaginer – ce qu’il ressentirait en pareille situation. Comme tout le monde, j’ai été glacé par les images de reconstitution du drame en 3D (pilote androïde tapant sur la porte fermée à clé, échanges verbaux en fond de bande sonore, cris de passagers, avion s’écrasant sur la montagne…) diffusées à l’envi sur les chaines de télé. Comme tout le monde, je m’intéresse aux révélations des médias allemands sur la vie privée d’Andréas Lubitz.
Pour autant, La polémique sur la santé mentale du pilote de l’A320 prend des proportions délirantes. Hier soir, « on » ne parlait que de cela: oui ou non, la compagnie Lufthansa avait-elle été informée qu’en 2009 Andréas Lubitz avait subi un » épisode dépressif majeur » en 2009? « On », c’est-à-dire Internet, les radios et les télé d’information continue, en particulier BFM, où le présentateur s’interrogeait (et interrogait les spécialistes sur le plateau) gravement: faut-il faire passer « un examen psychologique systématique » (sic) à tout aspirant pilote? Faut-il « interdire à vie » (re sic) de vol un pilote qui aurait connu une dépression?
Je ne suis pas psychiatre. Je n’ai pas lu le dossier médical d’Andréas Lubitz. Je n’ai pas connu moi-même de dépression. Mais, pour avoir à plusieurs reprises interrogé de nombreux spécialistes, je sais une chose: dès lors qu’il a été surmonté, un « épisode dépressif majeur » avec un début, un milieu et une fin, ne constitue pas, en soi, un facteur de risque suicidaire pour le reste de la vie. Vouloir « punir », ou même simplement contrôler, pour le reste de ses jours, toute personne qui aurait vécu cela relève au mieux du fantasme, au pire au « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley.
J’irai plus loin: le « droit à l’oubli » proclamé par François Hollande cette semaine, et visant à permettre à un ex malade du cancer de contracter un emprunt ou d’accéder à la propriété, concerne tout le monde. Avoir vécu une dépression ne fait pas de vous un paria. Ni un fou, ni même un être potentiellement dangereux. Les médias feraient bien de s’en souvenir. Avoir vécu une dépression n’impose en aucune manière de le raconter à son employeur ou à ses collègues – non pas qu’il y ait matière à honte mais parce que cela relève de l’intime. Chacun est libre d’en parler. Ou pas. La liberté, c’est, aussi, la responsabilité.
SILVERFOX
Je pense que ce monsieur Olivier aurait un tout autre avis s’il avait été parmi les passagers de cet avion fou. Et Oui le PDG de Lufthansa était au courant , seulement Il fait préserver les intérêts de cette compagnie et de ses actionnaires !!!
Vincent Olivier
Cher monsieur Silverfox,
Je vous renvoie à la réaction de crisepal ci dessus qui résume parfaitement mon point de vue !
Cordialement
SILVERFOX
Ce monsieur OLIVIER aurait un tout autre avis s’il avait été dans l’avion…
crisepal
Je ne pense pas qu’une opinion doive dépendre du fait que l’on soit directement concerné par un problème ou une situation, mais bien plutôt être le fruit du raisonnement le plus objectif possible et du refus systématique de l’emportement émotionnel aussi compréhensible soit-il. Je partage absolument la vision exposée dans l’article.
monia1405
Oui la depression c est de l intimité
Sauf que dans pareil cas c est a dire pour un pilote ce n est pas possible de prendre un tel risque de laisser piloter quelqu un de potentiellement suicidaire emmenant avec lui 150 personnes
.on a vu le resultat de » l oubli «
Vincent Olivier
Chère monia1405,
Ne pensez vous pas que chacun d’entre nous soit « potentiellement suicidaire »? Quelle autorité (institutionnelle, politique, médicale, juridique ou autre) serait capable de déterminer, par avance, qui serait -ou pas – concerné par un tel risque? Et sur quels critères? A ce jour, nous n’avons pas d’autre élément objectif qu’un épisode dépressif survenu 6 ans auparavant, c’est-à-dire bien avant le crash.
Cordialement
grenouille129
Je suis en parfait accord avec cet article ! Si le co-pilote avait eu un cancer, stigmatiserions-nous tous les cancéreux?
louis watelet
Je suis d’accord avec cet article. En plus le fait de connaître un épisode dépressif majeur n’implique pas la volonté de tuer avec soi le reste du monde. C’est très complexe . Prendre des decisions à chaud risque de générer plus de problèmes que de solutions : si toute personne dépressive se voit écarter demain de l’emploi de pilote, où s’arrêtera t on ? Les chauffeurs de bus, les taxis , les dirigeants de toutes sortes qui prennent des décisions impactant les autres ? Par ailleurs les personnes déprimées ne parleront plus compte tenu du risque encouru. C’est je crois en favorisant la communication autour de la maladie dépressive que les personnes concernées assistées de leur médecin pourront prendre des décisions éclairées et responsables .